Entre la date de la présentation en Conseil des ministres du projet de loi « portant modernisation du marché du travail », le 26 mars dernier, et son adoption définitive par le Parlement le 12 juin 2008, il se sera passé moins de trois mois. Un temps record si on le compare à la durée moyenne nécessaire à l’adoption d’une réforme de même ampleur. Cette rapidité s’explique avant tout par l’origine de cette loi. En effet, son contenu n’est autre que la transcription d’un accord collectif de travail négocié en amont par les partenaires sociaux et conclu le 11 janvier dernier. Députés et sénateurs ont donc eu à coeur de ne pas dénaturer ce texte en adoptant un nombre restreint d’amendements, notamment en ce qui concerne ses principales mesures, à savoir : l’instauration d’une période d’essai légale, la création d’un contrat à durée déterminée (CDD) à objet défini, la sécurisation des ruptures négociées ou encore la disparition des contrats « nouvelles embauches » (CNE).
Jusqu’à présent, le Code du travail ne prévoyait la durée d’une période d’essai que pour certaines catégories de contrats de travail (contrats à durée déterminée ou contrats conclus par des VRP, notamment). Les règles relatives aux périodes d’essai des contrats à durée indéterminée (CDI) – dans les faits les plus nombreux – étaient déterminées soit par les conventions collectives, soit directement par les contrats de travail. D’où des pratiques, parfois fort différentes, selon les secteurs professionnels ou les situations individuelles. Les choses sont maintenant plus simples puisque le Code du travail fixe une durée maximale pour chaque catégorie professionnelle. Ainsi, une période d’essai ne peut en principe dépasser 2 mois pour les ouvriers et employés, 3 mois pour les agents de maîtrise et les techniciens, et 4 mois pour les cadres.
Important
pour être effective, la période d’essai doit figurer en toutes lettres dans le contrat de travail ou la lettre d’engagement. Quant à un éventuel renouvellement de l’essai, il reste possible à condition d’être préalablement autorisé par la convention collective de branche étendue et inscrit dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail du salarié concerné. Ces conditions réunies, la durée totale de l’essai, renouvellement inclus, peut alors aller jusqu’à 4 mois pour les ouvriers et employés, 6 mois pour les agents de maîtrise et les techniciens, et 8 mois pour les cadres.
Par ailleurs, la nouvelle loi innove en créant un délai de prévenance. Chaque employeur doit dorénavant informer par avance son salarié de l’interruption de son contrat de travail au cours de la période d’essai. Ce délai de prévenance est de :
- 24 heures en deçà de 8 jours de présence ;
- 48 heures entre 8 jours et 1 mois de présence ;
- 2 semaines après 1 mois de présence ;
- 1 mois après 3 mois de présence.
À noter
lorsque c’est le salarié qui met fin à la période d’essai, il doit également respecter un délai de prévenance vis-à-vis de son employeur. Ce préavis est alors de 24 heures en deçà de 8 jours de présence et de 48 heures pour 8 jours de présence ou plus.
Enfin, lorsqu’un jeune suit un stage en entreprise dans le cadre de la dernière année de son cursus scolaire et, qu’à l’issue du stage, il est embauché sous contrat par l’entreprise en question, la durée de ce stage doit désormais être prise en compte au titre de la période d’essai.
Attention
cette prise en compte ne doit cependant pas réduire la période d’essai de plus de moitié, sauf accord de branche ou d’entreprise plus favorable.
La loi crée, à titre expérimental pour 5 ans, un nouveau contrat de travail, appelé « contrat à durée déterminée à objet défini », réservé aux cadres et ingénieurs qui pourront ainsi être embauchés pour réaliser une mission précise dans l’entreprise.
Précision
le recours à ce type de CDD devra toutefois avoir été préalablement prévu par un accord collectif de branche étendu ou, à défaut, par un accord d’entreprise.
Les personnes concluant un CDD à objet défini n’auront pas nécessairement besoin de préciser sa durée exacte, mais devront tout de même se mettre d’accord sur sa durée prévisible. Quant à la durée réelle du contrat – c’est-à-dire la durée correspondant à la réalisation du projet pour lequel le contrat est conclu –, elle devra être comprise entre 18 et 36 mois, non renouvelable (soit une durée maximale deux fois plus longue qu’un CDD « classique »).
Remarque
malheureusement, les parlementaires n’ont pas pris soin de préciser ce qu’il adviendrait si la réalisation du projet survenait finalement avant 18 mois ou, au contraire, dépassait 36 mois. Cette tâche délicate incombera donc aux tribunaux saisis de cette question !
L’employeur et le salarié pourront rompre leur relation au bout de 18 mois, puis au 24e mois, à condition de faire état d’une cause réelle et sérieuse. Par ce mécanisme original, la loi crée ainsi une souplesse inconnue des autres catégories de CDD qui peuvent être rompus unilatéralement seulement pour un cas de force majeure ou en raison d’une faute grave du salarié ou de l’employeur.
À noter
en revanche, à l’instar des autres catégories de CDD, le salarié bénéficiera, à l’issue de son contrat, d’une indemnité de précarité de 10 % de sa rémunération totale brute et a accès à l’assurance chômage.
Comme pour les autres catégories de CDD, un contrat écrit et signé par les deux parties sera nécessaire. Ce document devra alors comporter les mentions obligatoires d’un CDD (durée de la période d’essai éventuellement prévue, intitulé de la convention collective applicable...), ainsi que certaines mentions particulières.
Plus précisément, le CDD à objet défini devra comporter :
- la mention « contrat à durée déterminée à objet défini » ;
- l’intitulé et les références de l’accord collectif qui institue ce contrat ;
- une clause descriptive du projet et mentionnant sa durée prévisible ;
- la définition des tâches pour lesquelles le contrat est conclu ;
- l’événement ou le résultat objectif déterminant la fin de la relation contractuelle ;
- le délai de prévenance de l’arrivée du contrat et, le cas échéant, de la proposition de poursuite de la relation de travail en CDI ;
- la possibilité, pour l’employeur ou le salarié, de rompre le contrat à sa date anniversaire de conclusion et le droit du salarié à une indemnité de rupture égale à 10 % de sa rémunération totale brute, si l’employeur est à l’initiative de la rupture.
Conseil
la dernière mention prévue par cette liste, c’est-à-dire celle qui fait référence à la rupture du contrat « à sa date anniversaire », est quelque peu énigmatique. En effet, sa lecture littérale pourrait laisser penser que le CDD à objet défini peut être rompu au bout de 12 mois (date anniversaire de sa conclusion), alors que ce contrat a une durée minimale impérative de 18 mois. Il paraît donc préférable de rédiger cette mention en précisant que le contrat peut être rompu au bout de 18 mois, puis à la date anniversaire de la conclusion du contrat (soit au 24e mois).
C’est indéniablement la mesure emblématique de cette loi, car elle cherche à offrir plus de souplesse aux entreprises tout en sécurisant la mobilité des salariés.
Il faut en effet savoir que jusqu'alors, quand un salarié et un employeur souhaitaient se séparer d’un commun accord, ils n'étaient guère incités à le faire, notamment parce que le salarié savait qu’il ne bénéficierait pas de l’assurance chômage. C’est pourquoi un certain nombre d’employeurs et de salariés préfèraient adopter la solution d’un licenciement « fictif », immédiatement suivi d’une transaction.
Pour mettre un terme à cette pratique peu orthodoxe, la loi a donc mis en place une nouvelle procédure de rupture négociée du contrat de travail.
Côté salarié, ce mode de rupture devient enfin attractif puisque l’indemnité de rupture doit être d’un montant au moins égal à celui de l’indemnité légale de licenciement. Mieux encore : cette indemnité ouvre droit à une exonération fiscale et sociale, calquée sur celle existant pour l’indemnité de licenciement. Enfin, le salarié bénéficie désormais des allocations chômage.
Côté employeur, si la procédure de rupture amiable devient plus contraignante, elle présente l’avantage d’être désormais « sécurisée ». Car, dès lors qu’employeur et salarié s’engagent à suivre, pas à pas, les différentes étapes de la procédure (voir encadré), ils sont assurés que la rupture ne devrait pas pouvoir être remise en cause.
Les étapes de la procédure de rupture négociée
- 1re étape : les pourparlers
- À condition d’en informer son employeur, le salarié peut se faire assister par :
- une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise (délégué syndical, représentant du personnel ou tout autre salarié) ;
- ou, à défaut d’institutions représentatives du personnel dans l’entreprise, par un conseiller extérieur choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative.
- L’employeur peut alors, lui aussi, faire appel à un conseiller, après toutefois en avoir préalablement informé le salarié. En pratique, l’employeur peut se faire assister par :
- une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ;
- ou, dans les entreprises de moins de 50 salariés, une personne appartenant à son organisation syndicale d’employeurs ou un autre employeur relevant de la même branche.
- 2e étape : la conclusion de l’accord
- L’accord conclu doit être rédigé par écrit et signé par les deux parties.
- Il définit les conditions de la rupture et, en particulier, le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle (qui ne peut être inférieur au montant de l’indemnité légale de licenciement).
- Il détermine la date de la rupture du contrat de travail qui ne peut toutefois intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation auprès du directeur départemental de l’emploi, du travail et de la formation professionnelle.
- 3e étape : le délai de rétractation
- À compter de la date de signature de cet accord par les deux parties concernées, chacune d’entre elles dispose d’un délai de 15 jours calendaires (c’est-à-dire en comptant tous les jours de la semaine) pour se rétracter.
- 4e étape : l’homologation administrative
- Une fois passé le délai de rétractation, l’employeur ou le salarié – selon celui qui prend le premier l’initiative – doit faire une demande d’homologation de cet accord de rupture auprès du directeur départemental de l’emploi, du travail et de la formation professionnelle. Est jointe à cette demande une copie de l’accord.
- L’administration du travail dispose de 15 jours ouvrables (c’est-à-dire en comptant tous les jours de la semaine, sauf les dimanches et jours fériés), à compter de la réception de la demande, pour faire connaître sa décision aux intéressés, son silence valant homologation de l’accord de rupture du contrat de travail.
Enfin, la loi portant modernisation du marché du travail a supprimé les contrats « nouvelles embauches » (CNE), transformant ceux en cours à la date de publication de la loi en CDI classiques. Les parlementaires se sont toutefois souciés du sort des (rares) employeurs ayant encore conclu un CNE peu avant la publication de la loi. Exceptionnellement pour eux, les CNE tardifs comportent, de droit, une période d’essai. En pratique la durée de cette période d’essai court à compter de la date de conclusion du CNE (et non de la date de sa requalification en contrat à durée indéterminée de droit commun). Elle est fixée soit par la convention collective applicable, soit par la loi elle-même (soit 2 mois pour les ouvriers et employés, 3 mois pour les agents de maîtrise et les techniciens, et 4 mois pour les cadres).
Représentants du personnel
L’employeur doit désormais informer le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel sur les recours présents et à venir aux CDD, aux contrats de travail temporaire ou au portage salarial.
Indemnité de licenciement
Un salarié peut désormais bénéficier de l’indemnité de licenciement à partir d’un an d’ancienneté au lieu de deux. En outre, il n’existe plus de différence entre le montant de l’indemnité de licenciement pour motif économique et pour motif personnel.
Solde de tout compte
Alors qu’auparavant le salarié était libre de contester le contenu du reçu pour solde de tout compte, il ne peut désormais le faire que dans un délai de 6 mois. Cette restriction ne vaut toutefois que pour les informations contenues dans ce reçu et dès lors qu’il est bien signé sans réserve.
Portage salarial
La loi donne une définition officielle du portage salarial et demande aux partenaires sociaux de prévoir sa réglementation par le biais d’une convention collective.
Maladie du salarié
L’ancienneté nécessaire au salarié malade pour bénéficier de l’indemnisation prévue par l’accord de mensualisation passe de 3 à 1 an.
Publié le lundi 03 novembre 2008 - © Copyright SID Presse - 2008