La loi Travail instaure de nouvelles règles visant à faciliter la négociation collective et à rendre plus compréhensibles les accords qui en découlent.
La loi Travail prévoit, que d’ici à 2 ans, une commission d’experts proposera au gouvernement une réécriture du Code du travail sur trois niveaux, à savoir :
- les dispositions impératives auxquelles il ne pourra pas être dérogé, dites « d’ordre public » ;
- celles pouvant faire l’objet d’une négociation collective (d’entreprise ou de branche) ;
- et celles qui s’appliqueront en l’absence d’accord collectif, dites « supplétives ».
Cette future architecture est d’ores et déjà mise en place, depuis le 10 août 2016, en matière de durée du travail, de jours fériés et de congés.
Et, véritable sujet de discorde de la réforme du Code du travail, il est désormais établi que sur plusieurs thèmes, l’accord d’entreprise prime sur l’accord de branche.
Au 1er janvier 2017, les accords sur la durée du travail, les repos et les congés devront être conclus par voie d’accord majoritaire. Pour être valable, l’accord d’entreprise devra ainsi être signé par un ou plusieurs syndicats représentatifs ayant obtenu plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections professionnelles. Avec toutefois la possibilité de valider, par un vote des salariés à la majorité, un accord signé par des syndicats ayant obtenu plus de 30 % de ces suffrages.
La conclusion d’un accord collectif avec un salarié mandaté par un syndicat est autorisée dans les entreprises sans délégué syndical lorsqu’aucun représentant élu du personnel n’a manifesté son intention de négocier ou lorsqu’un procès-verbal de carence a établi l’absence d’élus du personnel, ainsi que dans les entreprises de moins de 11 salariés. Mais jusqu’à présent, cette négociation pouvait porter uniquement sur des mesures dont la mise en œuvre n’était possible que par un accord collectif comme les accords de maintien dans l’emploi ou l’instauration de forfaits jours. La loi Travail supprime cette restriction et les accords collectifs conclus avec des salariés mandatés peuvent désormais porter sur toutes les mesures pouvant faire l’objet d’une négociation au niveau de l’entreprise. On peut citer notamment les sujets relevant de la durée du travail, des congés ou encore de la négociation annuelle (rémunération, égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, qualité de vie au travail…).
Pour être valide, l’accord conclu avec un représentant élu du personnel, tel un délégué du personnel, lorsqu’il n’est pas mandaté par un syndicat devait jusqu’alors être approuvé par une commission paritaire de branche. Une exigence qui a disparu pour les accords conclus depuis le 10 août. Ils doivent uniquement être transmis à cette commission pour information.
Les accords d’entreprise signés à compter du 10 août 2016 et n’indiquant pas leur durée sont réputés être conclus pour 5 ans. Toutefois, s’ils prévoient une durée déterminée, ils peuvent désormais avoir une durée supérieure à 5 ans. Et, attention, car maintenant, les dispositions contenues dans un accord à durée déterminée cessent de produire leurs effets lorsque cet accord arrive à son terme.
Par ailleurs, ces accords doivent à présent comporter un préambule présentant leur contenu et leurs objectifs ainsi que des clauses sur leurs conditions de suivi et des clauses de rendez-vous.
Autre nouveauté, les accords conclus au niveau de l’entreprise à compter du 1er septembre 2017 devront être rendus publics, c’est-à-dire mis en ligne sur une base de données nationale. Néanmoins, selon des modalités à préciser par décret, les signataires pourront décider ensemble de ne pas publier une partie de l’accord. À défaut, l’une des parties pourra demander que l’accord soit publié dans une version rendue anonyme.
La négociation collective au sein des petites entreprises est souvent difficile compte tenu du manque de temps et de l’absence de formation juridique des salariés et des employeurs. Aussi, pour leur permettre quand même de mettre en place des conditions de travail adaptées à leur situation, la loi Travail prévoit que les branches professionnelles peuvent, maintenant, instaurer des dispositions réservées aux entreprises de moins de 50 salariés. Deux situations étant alors envisageables?: soit ces stipulations spécifiques s’appliquent directement dans ces entreprises, soit elles peuvent être adaptées par l’employeur.
Dans ce second cas, elles prennent la forme d’un accord-type proposant différentes options à l’employeur. Ce dernier peut donc choisir les dispositions qu’il va appliquer dans son entreprise. Cet accord « à la carte et clés en main » est mis en place au moyen d’un document unilatéral mentionnant les choix retenus par l’employeur, ce dernier devant préalablement en informer les délégués du personnel, s’ils existent, ainsi que tous les salariés.
Précision?: ces stipulations spécifiques peuvent porter sur tous les sujets ouverts à la négociation au niveau de l’entreprise et, en particulier, sur tous ceux pour lesquels l’accord d’entreprise prime désormais sur l’accord de branche (durée du travail, temps partiel, jours fériés…).
La loi Travail incite les entreprises à conclure un accord de méthode « permettant à la négociation de s’accomplir dans des conditions de loyauté et de confiance mutuelle entre les parties ». Cet accord facultatif fixe notamment la nature des informations partagées durant la négociation et les principales étapes de son déroulement. Sauf si l’accord en dispose autrement, le non-respect de ses dispositions n’entraîne toutefois pas la nullité des accords collectifs signés dès lors que le principe de loyauté entre les parties a été respecté.
L’employeur pourra conclure, soit avec un délégué syndical, soit avec un délégué du personnel ou un salarié, à condition que ces derniers soient mandatés par un syndicat, un accord dit « de préservation ou de développement de l’emploi ». Cet accord, qui pourra notamment modifier la durée de travail des salariés, remplacera de plein droit les clauses contraires des contrats de travail. En conséquence, le salarié qui refusera cette modification sera licencié selon la procédure applicable en cas de licenciement économique. Il sera possible de conclure de tels accords dès lors que le décret fixant leurs modalités d’application aura été publié.
Dorénavant, les entreprises peuvent conclure un accord modifiant la périodicité des négociations obligatoires, adaptant le nombre de négociations ou prévoyant un regroupement différent des thèmes, même si elles ne disposent pas d’un accord ou d’un plan d’action sur l’égalité professionnelle hommes-femmes. Cette condition reste cependant requise pour pouvoir modifier la périodicité de la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle et la qualité de la vie.
À compter du 1er janvier 2017, les entreprises dotées d’un délégué syndical devront inclure le « droit à la déconnexion » des salariés dans la négociation annuelle obligatoire sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail.
Cette discussion portera sur les modalités « du plein exercice » de ce droit par le salarié et sur la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale.
En pratique?: l’accord collectif pourra notamment consacrer le droit pour le salarié de ne pas répondre aux sollicitations en dehors de son temps de travail, conduire à la mise en place de modules applicatifs de déconnexion ou encore prévoir la mise en veille des serveurs de messageries pendant le week-end.
Le crédit d’heures de délégation accordé aux délégués syndicaux est augmenté. Ainsi, ils disposent désormais de :
- 12 heures par mois (au lieu de 10) dans les entreprises de 50 à 150 salariés ;
- 18 heures par mois (au lieu de 15) dans celles de 151 à 499 salariés ;
- 24 heures par mois (au lieu de 20) dans les entreprises d’au moins 500 salariés.
Par ailleurs, les délégués syndicaux sont couverts par la législation sur les accidents du travail lorsqu’ils participent à des négociations ou à des concertations à un autre niveau que celui de l’entreprise ou aux réunions d’instances organisées dans l’intérêt des salariés de l’entreprise ou de la branche.
Enfin, à partir du 1er janvier 2017, un accord d’entreprise pourra définir les conditions et les modalités de diffusion des informations syndicales au moyen des outils numériques disponibles dans l’entreprise (messagerie électronique notamment). À défaut d’accord, les syndicats présents dans l’entreprise, légalement constitués depuis au moins 2 ans et satisfaisant aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, pourront mettre à disposition des publications et tracts sur un site syndical accessible à partir de l’intranet de l’entreprise. Ce qui actuellement n’est possible qu’en application d’un accord collectif ou après autorisation de l’employeur.
Précision?: l’utilisation par les syndicats des outils numériques de l’entreprise doit être compatible avec les exigences de bon fonctionnement et de sécurité du réseau informatique, ne pas avoir de conséquences préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise et préserver la liberté de choix des salariés d’accepter ou de refuser un message.
Publié le vendredi 30 septembre 2016 - © Copyright Les Echos Publishing - 2016