La procédure de déspécialisation du bail commercial

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La déspécialisation plénière

La déspécialisation plénière consiste pour le locataire à exercer dans les lieux loués une ou plusieurs activités différentes de celles prévues dans le bail.

Conditions préalables

Pour procéder à une déspécialisation plénière, deux conditions doivent être réunies :
- D’une part, elle doit être justifiée par la conjoncture économique ainsi que par les nécessités de l’organisation rationnelle de la distribution, ces deux conditions étant elles-mêmes cumulatives. Au titre de l’évolution de la conjoncture économique, le locataire peut mettre en avant les difficultés qu’il rencontre dans l’exercice de son activité, devenue insuffisamment rentable ou délaissée par les consommateurs. Quant à l’organisation rationnelle de la distribution, il s’agit d’un critère souvent plus difficile à établir. En la matière, le locataire peut démontrer par exemple que l’agencement et l’environnement du lieu de vente se prêteraient mieux à une activité nouvelle ou encore qu’il a tout intérêt à créer une autre activité compte tenu des commerces existants et des besoins de la clientèle locale.

- D’autre part, l’activité nouvelle doit être compatible avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble ou de l’ensemble immobilier.

Ainsi, a été autorisée la transformation d’un fonds, peu rentable, de vente de cartes géographiques, reproductions industrielles de toute nature, photocopies, et confection de panneaux, en une activité tous commerces saufs alimentaires « compte tenu des nécessités de la conjoncture économique et de l’organisation rationnelle de la distribution ». De même, un fonds de toilettage d’animaux de compagnie, « activité peu rentable dans un marché presque saturé », a été autorisé à se transformer en un commerce d’accessoires, cadeaux et petits objets.

En revanche, la transformation d’un magasin de chaussures en un commerce d’administrateur de biens et transactions immobilières a été refusée en raison du nombre déjà élevé d’agences immobilières dans le secteur. N’a pas été davantage autorisée la transformation d’un commerce de teinturerie-pressing en magasin de prêt-à-porter dans la mesure où l’activité était rentable et présentait un intérêt pour la clientèle locale et que le grand nombre de magasins de prêt-à-porter implantés dans la rue satisfaisait aux besoins des consommateurs.

Procédure à suivre

Le locataire qui souhaite exercer dans les lieux loués une activité différente de celle prévue dans le bail doit en demander l’autorisation au bailleur. Cette demande doit être effectuée soit par acte extrajudiciaire en ayant recours à un huissier de justice, soit désormais par lettre recommandée avec avis de réception. Et elle doit indiquer la nature de l’activité dont l’exercice est envisagé.

Précision : la demande de déspécialisation doit également être notifiée, par acte d’huissier ou par LRAR, aux créanciers inscrits (par exemple ceux qui bénéficient d’un nantissement) sur le fonds de commerce. Ces derniers peuvent alors demander que le changement d’activité soit subordonné à des conditions de nature à sauvegarder leurs intérêts, c’est-à-dire la constitution de garanties supplémentaires, même si les droits qu’ils détiennent sur l’actuel fonds de commerce sont transférés de plein droit sur le fonds transformé. De son côté, le bailleur doit, dans le mois de la demande, aviser par acte d’huissier de justice ou par LRAR ses autres locataires envers lesquels il s’est engagé à ne pas louer en vue de l’exercice d’activités similaires à celles qui fait l’objet de la demande. Ces derniers doivent faire connaître leur attitude dans le délai d’un mois, à peine de forclusion.

Le propriétaire dispose alors d’un délai de 3 mois à compter de la réception de la demande de transformation pour signifier au locataire son acceptation, son refus, ou bien les conditions auxquelles il soumet son accord. Si le bailleur est demeuré silencieux pendant ce délai, son autorisation est réputée acquise.

Pour contester le refus du bailleur ou les conditions auxquelles il subordonne son acceptation, le locataire doit saisir le tribunal de grande instance du lieu de situation du fonds. Ce dernier peut alors soit confirmer le refus ou l’acceptation conditionnelle du propriétaire, soit autoriser partiellement ou totalement la transformation malgré le refus du bailleur, dès lors que ce refus n’est pas justifié par un motif grave et légitime.

À cet égard, la loi précise que le refus de transformation est suffisamment motivé lorsque le bailleur justifie vouloir reprendre les lieux loués à l’expiration de la période triennale en cours pour réaliser soit des travaux de surélévation, de construction ou de reconstruction, soit des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d’une opération de rénovation urbaine ou de restauration immobilière.

À noter : si le litige porte sur le montant du loyer, c’est le juge des loyers commerciaux qu’il convient de saisir, c’est-à-dire le président du tribunal de grande instance (ou le juge délégué à cette fonction).

Comme pour la déspécialisation partielle, le locataire qui procède à un changement d’activité sans respecter la procédure de déspécialisation et sans avoir obtenu l’autorisation du bailleur ou, à défaut, celle du tribunal, commet un manquement à ses obligations pouvant justifier une résiliation ou un refus de renouvellement de bail.

À noter : la renonciation du locataire à sa demande de déspécialisation plénière s’effectue dans les mêmes conditions que celles prévues pour la déspécialisation partielle.

Conséquences

Le changement d’activité peut avoir des conséquences sur le loyer. Ainsi le bailleur peut demander une augmentation immédiate du loyer sans attendre l’expiration de la période triennale en cours. Et lors du renouvellement du bail, le loyer peut être déplafonné et fixé à la valeur locative. En outre, le propriétaire est en droit de réclamer au locataire le versement d’une indemnité égale au montant du préjudice que lui cause le changement d’activité.

À noter : autre conséquence, les clauses de résiliation pour cause de cessation d’activité ne peuvent s’appliquer pendant le temps nécessaire à la réalisation des travaux relatifs à la transformation des lieux destinés à la nouvelle activité. Cette durée ne peut toutefois pas excéder 6 mois à compter de l’accord du bailleur ou de la décision du tribunal autorisant la déspécialisation.

Publié le vendredi 20 novembre 2015 - © Copyright Les Echos Publishing - 2015