La répartition du droit de vote entre nu-propriétaire et usufruitier est prévue par la loi, mais les statuts peuvent déroger à ces règles.
Cette question est l’une des rares auxquelles les textes apportent des réponses précises.
D’un côté, l’article 1844 du Code civil (droit commun des sociétés) pose la règle selon laquelle, sauf clause statutaire contraire, lorsqu’une part sociale est grevée d’usufruit, le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation du bénéfice où il est réservé à l’usufruitier.
De l’autre, l’article L. 225-110 du Code de commerce (texte spécifique aux sociétés par actions) précise que, sauf clause statutaire contraire, le droit de vote attaché à l’action appartient à l’usufruitier dans les assemblées générales ordinaires et au nu-propriétaire dans les assemblées générales extraordinaires.
Si les règles posées par ces deux textes sont bien différentes, on notera que tous deux ne s’appliquent qu’à défaut de clause statutaire contraire. Ainsi, par exemple, les statuts d’une société par actions peuvent prévoir que l’usufruitier dispose du droit de voter à toutes les assemblées, qu’elles soient ordinaires ou extraordinaires.
À noter : les articles 1844 du Code civil et L. 225-110 du Code de commerce n’envisagent la possibilité de déroger aux règles qu’ils édictent que par la seule voie des statuts. Régler la répartition du droit de vote entre nu-propriétaire et usufruitier par un acte extrastatutaire est donc inefficace.
Attention toutefois aux incidences fiscales que peuvent avoir certains aménagements du droit de vote. On rappellera que l’exonération des droits de mutation à concurrence de 75 % prévue par l’article 787 B du Code général des impôts (dispositif des pactes Dutreil) s’applique aux donations avec réserve d’usufruit à la condition expresse que les droits de vote de l’usufruitier soient statutairement limités aux décisions concernant l’affectation des bénéfices. Une clause des statuts qui viendrait étendre le droit de vote de l’usufruitier au-delà des décisions concernant l’affectation du résultat aura donc pour conséquence de faire perdre le bénéfice de ce dispositif d’exonération.
La liberté d’aménager le droit de vote dans les statuts a cependant certaines limites : l’usufruitier ne peut se voir totalement privé du droit de vote. À l’inverse les clauses statutaires attribuant le droit de vote exclusivement à l’usufruitier et privant donc le nu-propriétaire de droit de vote ne sont pas (pour l’heure) interdites. Toutefois, de telles clauses ne peuvent pas supprimer le droit du nu-propriétaire de participer aux assemblées. Sachant que le droit de participer aux assemblées ne se confond pas avec celui d’y voter. Ainsi, dans le cas où une clause statutaire réserverait le droit de vote aux assemblées exclusivement à l’usufruitier, le nu-propriétaire devrait tout de même être invité à participer aux assemblées et s’y exprimer, sa voix étant alors simplement consultative et non délibérative. Et il devrait, préalablement à la tenue des assemblées, se voir communiquer, comme tout associé, les documents nécessaires à sa bonne information.
À noter : certains auteurs estiment que le droit du nu-propriétaire de participer aux assemblées n’implique pas l’obligation de le convoquer aux assemblées au même titre que les autres associés. Une simple invitation à participer à l’assemblée suffirait. Mais le nu-propriétaire ayant, au moins pour partie, la qualité d’associé, il est fortement recommandé, par précaution, de lui adresser une convocation, dans les formes et délais prescrits par la loi et/ou les statuts, et d’y joindre les documents d’information requis.
Publié le vendredi 16 octobre 2015 - © Copyright Les Echos Publishing - 2015