Lorsqu’une entreprise ou une société soumise à l’impôt sur les sociétés (IS) subit un déficit au titre d’un exercice, elle a la possibilité de le reporter sur les bénéfices fiscaux qu’elle a, le cas échéant, réalisés lors des trois exercices précédents (règle du carry-back). Le principal intérêt de ce report en arrière réside dans la constatation par la société d’une créance sur le Trésor à hauteur de l’impôt sur les sociétés qu’elle a acquitté au taux normal ou au taux réduit sur ces bénéfices. Cette créance étant remboursée à l’issue d’une période de 5 ans si elle n’a pas été utilisée dans ce délai pour le paiement de l’impôt sur les sociétés.
Le bénéfice d’imputation du déficit correspond au bénéfice soumis au taux normal ou au taux réduit de l’IS diminué :
- des distributions de dividendes prélevés sur ces bénéfices ;
- des bénéfices ayant donné lieu à un impôt payé au moyen de crédits d’impôt.
Le déficit ne peut pas par ailleurs s’imputer sur :
- les plus-values à long terme imposées au taux réduit d’imposition ou exonérées ;
- les redevances de concession de droits de propriété industrielle soumises au taux réduit de l’IS ;
- les bénéfices exonérés ou bénéficiant d’un abattement en vertu d’un certain nombre de dispositifs limitativement énumérés par la loi (entreprises nouvelles, jeunes entreprises innovantes…).
Le montant de la créance sur le Trésor dont dispose la société dépend de l’impôt qu’elle a acquitté sur le bénéfice d’imputation. Par exemple, la créance est de 33,33 % du bénéfice d’imputation si celui-ci a été soumis au taux normal de l’IS et de 15 % du bénéfice d’imputation si celui-ci a été soumis au taux réduit d’imposition applicable aux PME.
L’administration fiscale a donné des précisions sur les retraitements qu’il convient d’opérer pour déterminer le bénéfice d’imputation notamment en raison des distributions de bénéfices réalisés et des impôts sur les bénéfices payés au moyen d’un avantage fiscal (Rescrits n° 2010/65, n° 2010/66, n° 2010/67 et n° 2010/68 du 30 novembre 2010).
La règle selon laquelle les bénéfices ayant été distribués doivent être retranchés du bénéfice réalisé pour la détermination du bénéfice d’imputation s’expliquait, avant 2006, par le fait que les bénéficiaires des distributions de dividendes se voyaient octroyer un avoir fiscal, c'est-à-dire un crédit d’impôt équivalent à l’impôt acquitté par l’entreprise distributrice.
Cet avantage fiscal revenait, pour éviter la double imposition de la même somme, à neutraliser économiquement l’impôt payé par la société sur les bénéfices.
En conséquence, il était illégitime, en cas d’imputation en arrière d’un déficit sur un bénéfice ayant été ensuite distribué, de « dédommager » la société au moyen d’une créance sur le Trésor alors que l’imposition qu’elle avait subie sur ce bénéfice avait déjà été neutralisée économiquement au moyen de l’avoir fiscal.
Suite à la suppression de l’avoir fiscal à compter de 2006, ce raisonnement ne se justifie plus. L’administration fiscale a donc été interrogée sur le point de savoir si, dans ce contexte, la règle de l’exclusion des bénéfices distribués du bénéfice d’imputation était toujours en vigueur.
Elle a répondu par l’affirmative et précise à ce sujet que les entreprises peuvent affecter librement les distributions qu’elles effectuent sur le montant de leur bénéfice soumis à l’IS au taux normal ou au taux réduit.
À cet égard, elle ne tient compte ni de l’ordre d’imputation des distributions auparavant prévues en matière de précompte mobilier, ni des postes sur lesquels ces distributions sont prélevées en comptabilité, ni encore du millésime du bénéfice effectivement retenu pour cette imputation.
En pratique, les sociétés ont donc intérêt à imputer prioritairement les distributions sur les bénéfices susceptibles de leur ouvrir droit au crédit sur le Trésor le moins important possible (bénéfice exonéré ou soumis à un taux réduit d’imposition).
À noter : l’administration fiscale confirme par ailleurs que les distributions sur les produits exonérés d’impôt tels les dividendes des filiales éligibles au régime mère-fille, ou bien les bénéfices non soumis à l’IS, notamment ceux qui sont réalisés hors de France, ne viennent pas minorer le bénéfice d’imputation.
L’administration fiscale précise qu’outre les bénéfices ayant donné lieu à un impôt payé au moyen d’un crédit d’impôt, ceux au titre desquels l’impôt a été payé au moyen d’une réduction d’impôt sont également exclus du bénéfice d’imputation du déficit.
En pratique, cette nouvelle règle, non prévue expressément par la loi, concerne principalement les entreprises bénéficiant de la réduction d’impôt pour dépenses de mécénat ou pour PME de croissance.
Une société a réalisé les résultats suivants au cours des trois derniers exercices :
N-3 : bénéfice de 20 soumis au taux réduit d’imposition de 15 %
N-2 : bénéfice de 60 dont :
- 20 soumis au taux réduit d’imposition de 15 % ;
- 20 soumis au taux normal d’imposition ;
- 20 de plus-values à long terme, résultant d’une cession de titres de participation exonérées d’IS ;
N-1 : bénéfice de 20 provenant uniquement de plus-values à long terme, sur des cessions de titres de participation, exonérées d’IS.
L’ensemble de ces bénéfices est mis en réserve.
En N, la société décide de les distribuer à hauteur de 80. Par ailleurs, elle réalise un déficit de 40.
Si la société souhaite réaliser un carry-back, elle peut, pour la détermination du bénéfice d’imputation, imputer la distribution réalisée :
- à hauteur de 20 sur les plus-values N-2 exonérées ;
- à hauteur de 20 sur les plus-values N-1 exonérées ;
- à hauteur de 20 sur les bénéfices N-3 soumis au taux réduit d’imposition ;
- à hauteur de 20 sur les bénéfices N-2 soumis au taux réduit d’imposition.
Elle dispose donc d’un bénéfice d’imputation de 100 - 80, soit de 20, qui a été soumis au taux normal d’imposition de l’IS en N-2. Elle peut donc reporter en arrière le déficit N à hauteur de 20 et disposer à ce titre d’une créance sur le Trésor de 20 x 33,33 % soit 6,67.
Le solde du déficit non imputé, soit 20, pourra être reporté sur les futurs bénéfices.
Commentaire : si un ordre d’imputation chronologique des distributions lui avait été imposé en fonction des bénéfices les plus anciens, la société n’aurait disposé d’aucune créance sur le Trésor du fait du « carry-back », dans la mesure où le solde de bénéfice de 20 serait issu des plus-values exonérées, réalisées en N-1, exclues du bénéfice d’imputation.
Une société a réalisé en N-1 un bénéfice de 250 ventilé de la façon suivante :
- 200 soumis au taux normal de l’IS ;
- 50 soumis au taux réduit d’imposition de 15 %.
L’impôt dû au titre de ce bénéfice est donc de 66,67 + 7,5 soit 74,17.
La société bénéficie par ailleurs d’une réduction d’impôt pour mécénat de 20. Elle n’acquitte donc qu’un impôt de 54,17. Elle distribue ce bénéfice à hauteur de 70.
En N, elle réalise un déficit de 50. Elle souhaite reporter celui-ci sur le bénéfice N-1.
Détermination du bénéfice d’imputation
L’exemple suivant a été établi en fonction des règles de cumul des exclusions du bénéfice d’imputation qui ont été indiquées par l’administration fiscale au sein de sa doctrine.
Imputation de la distribution
La société a intérêt à imputer en priorité la distribution de 70 :
- à hauteur de 50 sur le bénéfice imposé au taux réduit d’IS ;
- à hauteur de 20 sur le bénéfice imposé au taux normal d’IS.
À l’issue de cette imputation, le bénéfice pouvant servir de base à l’imputation est de 180 et a été soumis au taux normal d’IS.
Détermination du montant de la réduction d’impôt ayant servi à acquitter l’IS au taux normal :
20 x (66,67(1)/74,17(2)), soit approximativement 18.
Montant du bénéfice ayant donné lieu à un impôt payé au moyen de la réduction d’impôt :
18/33,33 % = 54.
Ce montant n’est cependant retenu dans ce cas, selon les directives données par l’administration fiscale, que dans la proportion du rapport entre le montant non distribué effectivement soumis à l’IS et le montant total du bénéfice. En l’espèce, le montant du bénéfice ayant donné lieu à un impôt payé au moyen de la réduction d’impôt est donc de :
54 x (180/200) soit 48,6.
Bénéfice d’imputation :
180 - 48,6 = 131,4.
Détermination de la créance sur le Trésor
Le déficit N de 50 peut donc être intégralement imputé sur le bénéfice N-1 soumis au taux normal d’IS. La société disposera en conséquence d’une créance sur le Trésor de 16,7.
(1) IS au taux normal sur le bénéfice de 180.
(2) Total d’IS ayant servi de base d’imputation à la réduction d’impôt.
Publié le mardi 10 mai 2011 - © Copyright SID Presse - 2011