En 2005, le droit des entreprises en difficulté a été réformé en profondeur par la loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005).
Dans le but d'encourager le chef d'entreprise à mieux anticiper ses difficultés, cette loi a introduit deux nouvelles procédures à vocation préventive : la procédure de conciliation et la procédure de sauvegarde.
Depuis cette réforme, le droit des entreprises en difficulté se décompose ainsi en quatre grandes procédures : conciliation, sauvegarde, redressement judiciaire et liquidation judiciaire.
Dans ce nouveau cadre, la procédure de sauvegarde devait occuper la place centrale.
Mais 3 ans après la mise en application de la réforme de 2005, force est de constater que le nombre de procédures de sauvegarde ouvertes est assez faible. La conciliation, elle, s'en sort mieux, sans doute en raison de sa confidentialité.
Afin d'y remédier, le gouvernement a adopté le 18 décembre dernier une ordonnance visant principalement à rendre plus attractive et plus accessible la procédure de sauvegarde. Le texte apporte également quelques modifications à l'ensemble du droit des entreprises en difficulté, prenant ainsi notamment en compte les difficultés rencontrées par les praticiens.
Pour rappel, la procédure de sauvegarde permet à un chef d'entreprise de demander à bénéficier d'un traitement judiciaire de ses difficultés, sans attendre d'être en cessation des paiements.
À l'issue d'une période d'observation de l'entreprise, la procédure de sauvegarde débouche sur l'élaboration d'un plan de sauvegarde arrêté par le tribunal, lequel prévoit les modalités d'apurement du passif de l'entreprise (délais de paiement, remises de dettes...). Pendant la procédure, l'entreprise reste administrée par son dirigeant, mais le tribunal peut désigner un ou plusieurs administrateurs chargés, selon les cas, de le surveiller ou de l'assister dans sa gestion.
Assouplissement des conditions d'ouverture de la procédure de sauvegarde
Afin de favoriser le recours à la procédure de sauvegarde, l'ordonnance permet désormais aux entreprises de demander à en bénéficier bien avant tout risque de cessation des paiements. En effet, l'entreprise n'a plus à rapporter la preuve (souvent difficile à apporter) que ses difficultés sont de nature à la conduire à la cessation des paiements. Elle doit désormais simplement justifier « de difficultés qu'elle n'est pas en mesure de surmonter ».
Renforcement du rôle du dirigeant
À l'ouverture de la procédure, le dirigeant peut désormais proposer au tribunal l'administrateur judiciaire de son choix.
En cours de procédure, il peut dorénavant procéder lui-même à l'inventaire de son patrimoine, dans le délai fixé par le tribunal, sous réserve que celui-ci soit certifié par un commissaire aux comptes ou attesté par un expert-comptable. Il n'est donc plus nécessaire de désigner un commissaire-priseur judiciaire, un huissier, un notaire ou un courtier en marchandises assermenté.
Les hypothèses de compétences concurrentes entre le dirigeant et l'administrateur judiciaire sont supprimées. En période d'observation, seul le débiteur peut à présent solliciter du juge-commissaire l'autorisation de procéder à des actes de disposition étrangers à la gestion courante de son entreprise, proposer aux créanciers une substitution de garantie ou saisir le tribunal afin qu'il ordonne la cessation partielle de l'activité de l'entreprise.
C'est également le dirigeant, assisté de l'administrateur, qui prépare le projet de plan de sauvegarde et le propose à ses créanciers.
Enfin, l'ordonnance supprime la faculté pour le tribunal de subordonner l'adoption du plan de sauvegarde à l'éviction des dirigeants ou encore d'ordonner l'incessibilité ou la cession forcée de leurs titres. Le dirigeant se voit ainsi assuré de rester à la tête de son entreprise si un plan de sauvegarde est arrêté et ne risque plus une perte d'influence en tant qu'associé ou actionnaire.
À noter
ces mesures d'éviction, d'incessibilité ou de cession forcée restent envisageables dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire.
Amélioration des conditions de réorganisation de l'entreprise
La liste des personnes pouvant bénéficier de la suspension des poursuites est allongée. Est désormais visée toute personne physique coobligée ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie.
L'ordonnance fait donc bénéficier du gel des poursuites toute personne qui s'est portée garante pour l'entreprise défaillante et donc, très souvent, le chef d'entreprise lui-même.
Précision
le cautionnement, la garantie autonome ou la lettre d'intention sont des sûretés personnelles par lesquelles une personne s'oblige à payer le créancier si le débiteur ne remplit pas ses engagements. La suspension des poursuites est également étendue aux personnes « ayant affecté ou cédé un bien en garantie » : sont donc visées les sûretés portant sur des biens, tels que le gage, la fiducie ou l'hypothèque.
Par ailleurs, les créances non déclarées sont inopposables au débiteur pendant la période d'exécution du plan de sauvegarde et à son issue, si les engagements mentionnés dans le jugement arrêtant le plan ont été respectés. Cette mesure bénéficie également aux personnes physiques coobligées et à celles ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie, mais seulement pendant l'exécution du plan.
Rappel
tous les créanciers de l'entreprise en difficulté sont soumis à l'obligation de déclarer leurs créances. Cette démarche, équivalente à une demande en justice, leur permet de faire reconnaître leurs créances auprès des organes de la procédure et leur donne le droit de participer aux éventuels remboursements de dettes. Elle permet d'évaluer le montant du passif de l'entreprise à la date du jugement d'ouverture.
Enfin, sont étendues à la sauvegarde les remises automatiques des frais de poursuite et pénalités fiscales déjà prévues en redressement judiciaire et en liquidation judiciaire.
Possibilité d'une seconde chance pour le débiteur en cas d'échec de la sauvegarde
Lorsque l'adoption d'un plan de sauvegarde est manifestement impossible et s'il apparaît que la clôture de la procédure conduirait, de manière certaine et à court terme, à la cessation des paiements, le tribunal peut désormais, sur demande du débiteur, convertir la procédure en redressement judiciaire.
Par ailleurs, dans le cas où la cessation des paiements est constatée en cours d'exécution du plan de sauvegarde, le tribunal peut dorénavant choisir d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire si le redressement de la situation du débiteur est possible malgré la cessation des paiements. Jusqu'à présent, dans cette hypothèse, il devait automatiquement prononcer la résolution du plan ainsi que la liquidation judiciaire de l'entreprise.
Important
cette mesure est applicable au plan de sauvegarde en cours d'exécution à la date du 15 février 2009.
La conciliation est accessible à toute entreprise (individuelle ou société) éprouvant des difficultés avérées ou prévisibles ou qui est en état de cessation des paiements depuis moins de 45 jours.
Elle permet au chef d'entreprise de mettre en place une négociation avec ses principaux créanciers dans le but d'aboutir à un règlement amiable de ses difficultés.
Précision
cette négociation, bien que soumise à un contrôle judiciaire, n'est pas à proprement parler une procédure collective : les délais de paiement (et autres solutions permettant de résoudre les difficultés rencontrées par l'entreprise) convenus entre le débiteur et ses créanciers dans le cadre d'une conciliation sont accordés sans contrainte judiciaire.
Les négociations sont menées par un conciliateur désigné par le tribunal pour une période n'excédant pas 4 mois, mais qui, sur demande du conciliateur, peut être prolongée d'un mois au plus.
À la différence des procédures de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, la conciliation ne donne pas lieu à une suspension des poursuites. Pendant la durée de la procédure, les créanciers peuvent donc continuer d'agir en paiement à l'encontre du débiteur, mais ce dernier peut, à tout le moins, demander au tribunal de lui accorder des délais de paiement.
Si elle réussit, la conciliation débouche sur la conclusion d'un accord amiable conclu entre le débiteur et ses principaux partenaires.
Cet accord peut, au choix du débiteur, être simplement constaté par le juge ou homologué par le tribunal.
En cas d'homologation – possible seulement si le débiteur n'est pas en état de cessation des paiements (ou si l'accord le permet) –, l'accord est publié et devient opposable à tous et non uniquement à ses seuls signataires.
En revanche, l'accord simplement constaté ne fait l'objet d'aucune publicité.
Il n'est, de ce fait, opposable qu'au seul débiteur et aux créanciers qui l'ont accepté.
C'est précisément cette absence de publicité qui garantit la confidentialité de l'accord.
En vue d'améliorer le régime de la conciliation, l'ordonnance a introduit les mesures suivantes :
Rapprochement des régimes de l'accord simplement constaté et de l'accord homologué
L'ordonnance étend à l'accord constaté certaines mesures de protection auparavant réservées à l'accord homologué. Désormais, comme pour l'accord homologué :
- l'accord simplement constaté emporte l'arrêt des poursuites individuelles envers les créanciers parties à l'accord en ce qui concerne les créances qui en font l'objet ;
- l'arrêt des poursuites bénéficie aux personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ;
- l'inexécution de l'accord simplement constaté entraîne sa résolution.
Assouplissement des conditions d'obtention de délais de paiement
Autre nouveauté, le débiteur peut dorénavant demander au juge de lui accorder des délais de paiement dès qu'il fait l'objet d'une mise en demeure de l'un de ses créanciers. Il n'a donc plus besoin d'attendre d'être poursuivi judiciairement en paiement.
Depuis la loi de sauvegarde de 2005, la liquidation judiciaire se dédouble en une procédure de liquidation, dite « de droit commun », et une procédure de liquidation simplifiée réservée à l'entreprise qui ne possède aucun bien immobilier et n'excédant pas certains seuils.
Rappel
la liquidation judiciaire simplifiée est, comme son nom l'indique, une version allégée et accélérée de la liquidation judiciaire, procédure qui s'applique lorsqu'il n'existe plus aucun espoir de redresser l'activité de l'entreprise. La liquidation permet d'encadrer les étapes d'apurement du passif de l'entreprise jusqu'à la disparition de celle-ci.
L'ordonnance apporte des correctifs au régime de la liquidation simplifiée.
Sont désormais distingués les cas dans lesquels la liquidation simplifiée devient obligatoire et ceux dans lesquels elle demeure facultative.
Ainsi, l'entreprise mise en liquidation judiciaire sera obligatoirement soumise à une procédure simplifiée lorsqu'elle n'emploiera pas plus d'un salarié et dégagera un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas 300 000 € hors taxes. Cette procédure sera facultative lorsque l'entreprise n'emploiera pas plus de 5 salariés et dégagera un chiffre d'affaires hors taxes compris entre 300 000 € et 750 000 € hors taxes. Dans les autres cas, c'est le régime normal qui s'appliquera.
Confirmant la position de la jurisprudence, l'ordonnance précise que n'est pas en cessation de paiements le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires (délais de paiement...) dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Il s'agit par le biais de cette précision d'éviter qu'un débiteur puisse se prévaloir de l'inertie du créancier pour exclure une créance du passif exigible.
Les nouvelles mesures introduites par l'ordonnance du 18 décembre 2008 sont applicables à toutes les procédures ouvertes à compter du 15 février 2009.
Les procédures en cours à cette date demeurent soumises au droit antérieur.
Par exception cependant, est notamment applicable aux procédures ouvertes avant le 15 février 2009 la mesure permettant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire lorsque la cessation des paiements est constatée en cours d'exécution du plan de sauvegarde.
Cette nouvelle réforme donnera-t-elle un nouvel élan à la procédure de sauvegarde ?
Il est permis d'en douter.
En dépit des améliorations apportées à son régime, le principal inconvénient de la sauvegarde demeure : son ouverture reste soumise à publicité. Il n'est donc pas certain que les dirigeants soient incités aujourd'hui plus qu'hier à prendre l'initiative d'une procédure qui révèlera à tous leurs difficultés.
En revanche, avec l'amélioration du régime de l'accord simplement constaté, la conciliation devrait avoir encore de beaux jours devant elle.
L'année 2009 qui, contexte économique oblige, devrait voir se multiplier les ouvertures de procédures judiciaires de traitement des difficultés des entreprises pourrait, à cet égard, être riche d'enseignements.
Publié le mardi 10 mars 2009 - © Copyright SID Presse - 2009