Lorsqu'une société a rencontré des difficultés financières qui l’ont conduite à perdre la moitié de son capital social, ses dirigeants doivent suivre une procédure particulière visant à alerter les associés et à leur faire envisager l'éventualité d'une dissolution anticipée de la société.
Précision : cette procédure concerne toutes les sociétés commerciales (SA, SAS, SARL, SCA), à l’exception des sociétés en nom collectif, des sociétés en commandite simple et des sociétés qui font l’objet d’une procédure de sauvegarde ou d’un redressement judiciaire ou qui bénéficient d’un plan de sauvegarde ou de redressement.
Ainsi, lorsque le montant des capitaux propres de la société est devenu inférieur à la moitié du capital social, les associés doivent être consultés et se prononcer sur la dissolution éventuelle de la société dans les 4 mois qui suivent l’assemblée générale d’approbation des comptes de l’exercice ayant fait apparaître ces pertes.
À noter : cette décision, prise en assemblée générale extraordinaire, doit être publiée dans un journal d’annonces légales et déposée au greffe du tribunal de commerce afin qu’il en soit fait mention sur l’extrait Kbis de la société.
Si les associés décident de ne pas dissoudre la société, la situation doit être régularisée (notamment en reconstituant une partie des capitaux propres ou en diminuant le capital social) au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel les pertes ont été constatées.
Exemple : les associés d’une société ayant clos son exercice au 31 décembre 2009 ont constaté la perte de la moitié du capital social lors de l’assemblée générale d’approbation des comptes en date du 30 juin 2010. La société a donc jusqu’au 31 décembre 2012 pour régulariser sa situation.
Et selon un avis(1) de la commission des études juridiques de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC), les associés doivent procéder à cette régularisation en prenant en compte le montant des capitaux propres enregistrés au passif du dernier bilan de la société qu’ils ont approuvé. Et ce, même s’ils ont pris connaissance de documents prévisionnels annonçant des pertes significatives pour l’exercice en cours, qui rendraient à nouveau nécessaire une reconstitution des capitaux propres de la société.
Illustration : une société dont les capitaux propres sont devenus inférieurs à la moitié du capital social depuis le 31 décembre 2006 (assemblée générale tenue en 2007) devait donc reconstituer ses capitaux propres avant le 31 décembre 2009. La question se posait de savoir si la régularisation décidée sur la base des capitaux propres figurant au bilan de l’exercice clos au 31 décembre 2008 et approuvé par l’assemblée des associés en 2009 était valable malgré l’existence de documents prévisionnels laissant présager des pertes importantes pour l’exercice 2009. À cette question, la commission a répondu par l’affirmative en précisant toutefois qu’en présence de pertes prévisionnelles de nature à compromettre la poursuite de l’activité de la société, les dirigeants devraient en tirer toutes les conséquences, notamment au regard de la procédure d’alerte.
La consultation des associés est obligatoire lorsque les capitaux propres de la société sont devenus inférieurs à la moitié du capital social.
Les capitaux propres sont constitués de la somme des apports (capital et primes d’émission), des écarts de réévaluation, des réserves, du report à nouveau créditeur, du bénéfice non distribué de l’exercice, des subventions d’investissement et des provisions réglementées, déduction faite des pertes (report à nouveau débiteur et perte de l’exercice).
À noter : en sont exclus les prêts participatifs. Par ailleurs, ne peuvent venir en déduction ni les frais d’établissement ni les charges à répartir.
Le montant des capitaux propres doit, semble-t-il, être comparé avec le capital nominal tel qu’il figure au bilan de la société, c’est-à-dire celui existant à la clôture de l’exercice et non à la date d’approbation des comptes. Ce qui signifie qu’il ne faut pas tenir compte d’une régularisation éventuellement intervenue après la clôture des comptes mais avant leur approbation.
Dès lors que la perte de la moitié du capital social est constatée, le gérant pour les sociétés à responsabilité limitée (SARL), le conseil d’administration ou le directoire pour les sociétés anonymes (SA), le président ou les dirigeants désignés à cet effet dans les statuts pour les sociétés par actions simplifiées (SAS) doivent consulter les associés dans un délai de 4 mois suivant l’assemblée générale d’approbation des comptes ayant fait apparaître cette perte.
Précision : même en l’absence d’une approbation des comptes, les dirigeants doivent, semble-t-il, consulter les associés sur la dissolution de la société « si, du fait de pertes constatées dans les documents comptables, les capitaux propres de la société deviennent inférieurs à la moitié du capital social » (Code de commerce, article L. 223-42, al. 1 pour les SARL et L. 225-248, al.1 pour les SA). Dans ce cas, le point de départ du délai de 4 mois se situe à l’expiration des 6 mois fixés par la loi pour statuer sur les comptes de l’exercice écoulé.
Les associés sont alors amenés à statuer sur la dissolution anticipée de la société. La résolution qui leur est soumise devant porter précisément sur la dissolution de la société et non sur la poursuite de son activité. Ce qui est plus favorable à la « survie » de la société puisqu’il suffit d’une minorité de blocage pour écarter la dissolution.
Quelle que soit la décision, elle doit être prise selon des modalités propres à chaque type de société.
Précision :
la décision doit être prise :
- pour les SARL : en assemblée générale extraordinaire (AGE), ou sur consultation écrite des associés, à la majorité requise pour la modification des statuts, soit, en principe, à la majorité des 2/3 des parts sociales avec un quorum de 1/4 des parts sociales. Toutefois, pour les SARL créées avant le 4 août 2005, la décision doit être prise par les associés détenant au moins 3/4 des parts sociales, sans quorum requis ;
- pour les SA : en AGE à la majorité des 2/3 du capital avec un quorum de 1/4 du capital ;
- pour les SAS : en fonction des dispositions des statuts.
Comme nous l’avons vu, la décision des associés doit ensuite être publiée dans un journal d’annonces légales, déposée au greffe du tribunal de commerce et inscrite au registre du commerce et des sociétés.
Attention : le défaut de consultation des associés dans le délai prescrit ou le défaut d’accomplissement des formalités de publicité exposent les dirigeants à un emprisonnement de 6 mois et à une amende de 4 500 €. Par ailleurs, si les associés n’ont pas été consultés ou s’ils n’ont pas pu valablement délibérer, tout intéressé (créancier, associé) peut demander au tribunal de commerce la dissolution de la société.
Si la dissolution est écartée, la société doit régulariser sa situation au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel les pertes ont été constatées. Le délai imparti pour régulariser devant être calculé à partir de l’approbation des comptes de l’exercice ayant fait apparaître la perte, et non à partir de la date de clôture de cet exercice.
Exemple : les associés d’une société ayant clos son exercice au 31 décembre 2009 ont constaté la perte de la moitié du capital social lors de l’assemblée générale d’approbation des comptes du 30 juin 2010. La société a donc jusqu’au 31 décembre 2012 pour régulariser sa situation (et non jusqu’au 31 décembre 2011 ni jusqu’au 30 juin 2012).
Sauf régularisation intervenue entre-temps, il faut prendre en compte le montant des capitaux propres (et le résultat de l’exercice) et du capital social à cette date.
Soit la société reconstitue ses capitaux propres à une valeur au moins égale à la moitié du capital social dans le délai imparti, soit elle procède impérativement, au terme de ce délai, à la réduction de son capital d’un montant au moins égal à celui des pertes qui n’ont pu être imputées sur les réserves.
Pour reconstituer ses capitaux propres d’un montant au moins égal à la moitié du capital social, la société peut recourir à divers moyens :
- réalisation de bénéfices permettant de résorber les pertes ;
- augmentation de capital par des apports en nature ou en numéraire (dans ce cas, les actions n’ont pas à être intégralement libérées lors de leur souscription) ;
- abandon de créance (souvent employé dans les groupes de sociétés entre une société-mère et ses filiales en difficulté) ;
- réduction du capital de telle sorte que le montant des pertes n’excède pas la moitié du capital (cette réduction diffère de la réduction du capital imposée par la loi à titre de sanction au terme du délai imparti pour reconstituer ses capitaux propres, cette réduction-sanction devant, quant à elle, apurer la totalité des pertes de la société).
Important : les SA ne peuvent réduire leur capital social à un montant inférieur au minimum légal de 37 000 € que sous la condition suspensive d’augmenter ensuite le capital à un montant au moins égal à ce minimum (ou bien d’adopter une autre forme de société).
Aucun texte ne prévoit de formalité de publicité pour la régularisation de la situation de la société suite à la perte de la moitié de son capital social. Toutefois, il est fortement conseillé de procéder à cette publicité afin de modifier l’extrait Kbis de la société qui, sinon, fera toujours mention de la perte de la moitié du capital.
Par ailleurs, aucune sanction pénale n’est prévue à l’encontre du ou des dirigeants qui n’ont pas reconstitué les capitaux propres de leur société dans le délai imparti de 2 ans. Toutefois, leur responsabilité civile peut être recherchée si leur inaction a causé un préjudice à la société.
En outre, tout intéressé (créancier, associé) peut demander au tribunal de commerce la dissolution de la société. Cependant, le tribunal peut accorder à la société un délai de 6 mois pour régulariser sa situation. Sachant que la dissolution ne peut pas être prononcée si, à la date où il statue, cette régularisation a eu lieu.
(1) CNCC, bull. n° 158, juin 2010, p. 422, EJ 2009-180
Publié le lundi 31 janvier 2011 - © Copyright SID Presse - 2011