La crise a mis en exergue les nombreux excès de la sphère financière et leurs conséquences néfastes sur la santé des entreprises. Le malaise lié aux « subprimes », à la faillite LehmanBrothers et aux différentes manipulations boursières a fait naître un plus grand besoin de transparence et d’éthique. Pour y répondre, une forme de placement, appelée « investissement socialement responsable » (ISR), s’est développée. Aujourd’hui, l’ISR représente 3 % de la gestion d’actifs en France, soit près de 50,7 milliards d’euros, selon l’Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (Orse). Malgré son développement et les intérêts que ce type d’investissement suscite, il n’existe toujours pas de référentiel standardisé qui permettrait de définir précisément ce qu’est un fonds socialement responsable. Toutefois, d’une manière plus générale, ces fonds doivent, pour bénéficier de cette appellation, prendre en compte trois critères : le premier est relatif aux efforts de l’entreprise dans le domaine de l’environnement, le second est lié au domaine social et le dernier concerne la gouvernance de l’entreprise.
Précision : attention à ne pas confondre l’investissement socialement responsable et l’investissement solidaire. En effet, ce dernier est un placement dont une partie, entre 5 et 10 %, sert à financer des entreprises ou des projets d’économie solidaire (microcrédit, habitat social…).
Le fait qu’un investissement soit socialement responsable ne signifie pas qu’il offre une rentabilité moindre ; bien au contraire les performances des fonds ISR sont le plus souvent comparables à celles des fonds « classiques ». Un des avantages qu’offrent les ISR réside dans le fait qu’ils ne peuvent compter parmi les valeurs qui les composent des entreprises présentes dans un secteur « à risques ». On peut, ainsi, légitimement penser qu’à travers un fonds ISR un investisseur n’aurait pas pu subir la chute de l’action d’une société telle que BP, du fait du défaut de sécurité de certains forages offshore ayant causé, par la suite, une marée noire dans le golfe du Mexique.
Ainsi, le gérant d’un fonds ISR ne doit pas se contenter d’opérer une simple analyse financière de la société dans laquelle il souhaite investir. Il doit également réaliser une étude dite « extra-financière » permettant d’évaluer les risques et les enjeux par rapport aux problématiques de l’investissement responsable.
Précision : l’analyse financière a pour objectif d’identifier les points forts et les points faibles d’une société à travers ses résultats comptables et financiers. Pour ce faire, il est également nécessaire d’évaluer la pertinence de sa stratégie de développement, le potentiel de valorisation de l’action de cette société ainsi que les perspectives du secteur d’activité concerné.
La dernière décennie a consacré trois critères pour déterminer si un acteur économique était ou non socialement responsable : l’environnement, le social et la gouvernance, plus connus sous l’appellation ESG.
> La dimension environnementale vise les impacts (directs ou indirects) que peuvent avoir les activités d’une société sur l’environnement. Cela peut se traduire par une gestion efficace des ressources naturelles, par une faible émission de gaz à effet de serre ou un système de recyclage performant.
> La dimension sociale (ou sociétale) évalue le comportement d’une entreprise vis-à-vis des règles en vigueur en matière de droit du travail et de droit de l’homme. En pratique, cette évaluation vise à identifier les entreprises qui ont recours au travail des enfants ou à la corruption.
> La dimension de gouvernance porte sur la manière dont l’entreprise est dirigée et contrôlée. Le respect des droits des actionnaires ou l’indépendance du conseil d’administration sont autant de critères favorisant l’éligibilité d’une entreprise à un fonds socialement responsable.
Si le plus grand nombre des institutionnels ou des agences de notation applique cette matrice, ils n’utilisent pas tous la même grille d’évaluation, c’est pourquoi les résultats sont parfois différents d’une société de gestion à une autre.
À noter : dans leurs rapports, les structures chargées d’évaluer les critères ESG des entreprises vont baser leurs décisions sur de nombreux éléments, tels la gestion de l’emploi, les formations proposées, ou encore le mécénat.
Une fois l’évaluation de l’entreprise réalisée, trois grandes approches ont été mises en place pour sélectionner celles qui pourraient être amenées à intégrer les fonds ISR.
De toutes celles évoquées par les professionnels, c’est sans nul doute l’approche « best in class » qui est la plus utilisée.
> Les « best in class » sont les entreprises qui ont obtenu les meilleures notes des agences de notation. En utilisant cette approche, les gérants font le choix de sélectionner les meilleures entreprises dans chaque catégorie ou secteur d’activité.
> L’approche « d’évitement » conduit, quant à elle, à exclure les sociétés dès lors qu’elles appartiennent à un secteur d’activité controversé (chimie lourde, armement, alcool…) ou que leurs pratiques sont jugées comme non responsables (tests sur les animaux, travail des enfants…).
> Enfin l’approche « risques et opportunités » présente l’avantage de mettre en perspective l’ensemble des éléments que le gérant tient à sa disposition. Il lui appartiendra de faire le choix le plus adapté à la situation.
Les sociétés respectant « ce cahier des charges » seront alors « sélectionnables » par le gérant pour éventuellement intégrer le fonds lorsque les conditions de marché et les résultats de l’entreprise lui paraîtront favorables.
Sous réserve que le fonds ait respecté les exigences du code de transparence établi par le Forum pour l’investissement responsable (FIR) en matière d’accessibilité à l’information, il pourra bénéficier de la dénomination ISR. Et les investisseurs pourront, dès lors, acquérir des parts de ces fonds à partir d’un certain nombre de supports financiers.
Le plus souvent, les investisseurs particuliers vont acquérir des parts de Sicav ou de FCP ISR sur un compte titres et au travers de véhicules d’investissement tels que le plan d’épargne en actions ou l’assurance-vie.
À noter : les contrats d’assurance-vie ne proposent, à ce jour, que très peu de fonds socialement responsables sur lesquels il est possible d’investir.
Pour autant, le champ d’application de l’investissement socialement responsable ne cesse de s’étendre, comme en atteste la politique du Comité intersyndical de l’épargne salariale (CIES), structure regroupant quatre centrales syndicales, qui a mis très tôt l’accent sur l’ISR pour les investissements dirigés vers l’épargne salariale. Les plans d’épargne d’entreprise (PEE) et les plans d’épargne pour la retraite collective (Perco) représentaient ainsi, en 2009, près de 3,9 milliards d’euros selon l’association française de la gestion financière.
Précision : si les fonds en euros, en actions ou en obligations se sont largement développés ces dernières années, d’autres placements sont également concernés. Des projets de développement de l’investissement socialement responsable ont ainsi été lancés dans le secteur du capital-investissement ou de l’immobilier.
De nombreux paramètres rendent difficile le développement des fonds socialement responsables. Certaines sociétés de gestion considèrent que ce type de placement restreint de manière trop importante leurs choix et peut les amener à réduire leurs performances. Et ce d’autant plus que l’accès aux informations des entreprises concernant la gouvernance ou le respect des normes sociales est parfois difficile. Il convient également de souligner que la mise en place de ce type de fonds nécessite certains moyens financiers et humains que tous les institutionnels ne sont pas prêts à réunir.
Bien que les sociétés de gestion disposent de leurs propres équipes d’analystes, elles n’hésitent pas à faire appel à des agences de notation extra-financière pour compléter leurs bases d’informations. Ces dernières sont chargées, d’une part, de collecter des informations sur les entreprises en se basant, notamment, sur des rapports des ONG, des sociétés de courtage ou encore de la presse spécialisée et, d’autre part, d’évaluer l’entreprise en lui attribuant une note dans les différents domaines relatifs aux critères ESG. De fait, les agences de notation ont développé leurs propres méthodologies afin d’aider les investisseurs à sélectionner, de la manière la plus pertinente possible, les entreprises jugées comme les plus responsables.
Précision : l’Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (Orse) dresse une liste des principales agences de notation dans le monde : www.orse.org.
Les fonds ISR sont également soumis à un contrôle de la part d’organismes indépendants.
Ainsi, Novethic et le CIES ont chacun mis en place leur propre label afin d’identifier les fonds qui répondent à une vraie démarche ISR.
Le label créé en 2009 par Novethic a récompensé près de 142 organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) proposés sur le marché français.
À noter : pour bénéficier de ce label, quatre conditions doivent être remplies par le fonds : respecter les critères ESG, être conforme au code de transparence publié par le FIR, réaliser un reporting trimestriel contenant les informations extra-financières des entreprises, et enfin rendre publique la composition du portefeuille.
Quant au label attribué par le CIES depuis 2002, il concerne uniquement les fonds proposés dans le cadre de l’épargne salariale. Ce label est attribué à la société de gestion lorsque celle-ci remplit les huit critères nécessaires. Parmi ces conditions, il est indiqué que les frais de gestion doivent être réduits autant que possible et que les représentants des salariés devront disposer d’une majorité de 2/3 dans les structures de gouvernance des fonds.
Publié le mercredi 09 février 2011 - © Copyright SID Presse - 2011