L’ouverture d’une procédure collective (procédure de sauvegarde, redressement judiciaire, liquidation judiciaire) à l’encontre du locataire n’entraîne pas la résiliation automatique du bail commercial.
La loi répute d’ailleurs non écrite toute clause d’un contrat de bail commercial prévoyant la résiliation du bail en cas de mise en redressement judiciaire, liquidation judiciaire ou sauvegarde du locataire (article L. 145-45 du Code de commerce).
Conséquence : en cas de procédure collective, le principe est donc celui du maintien du bail commercial en cours au jour de l’ouverture d’une procédure.
Toutefois, la poursuite du bail à l’ouverture de la procédure collective n’est pas une situation définitive. En effet, le sort du bail peut évoluer de trois façons :
- le bail peut être continué sur décision de l’administrateur désigné par le tribunal en charge de la procédure ;
- il peut être résilié à l’initiative de l’administrateur ou du bailleur ;
- il peut être cédé.
La décision de poursuivre le bail commercial appartient uniquement à l’administrateur désigné par le tribunal en charge de la procédure collective.
À noter
la désignation d’un administrateur est facultative pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires hors taxes inférieur à 3 000 000 € et employant moins de 20 salariés.
À défaut de désignation d’un administrateur, le locataire peut, après avis conforme du mandataire judiciaire, demander la poursuite du bail.
Le bailleur ne peut s’opposer à la décision de continuation du bail, et ce même si à la date d’ouverture de la procédure collective, le locataire restait devoir des arriérés de loyers.
Important
le bailleur ne peut d’ailleurs exiger le paiement des loyers et des charges antérieurs à la procédure.
L’ouverture d’une procédure collective entraîne, en effet, la suspension de toute poursuite en paiement des créances antérieures à la procédure.
Pour les loyers et les charges impayés antérieurs à la procédure, le bailleur ne peut donc que déclarer sa créance comme tout créancier.
Mais si l’administrateur décide de continuer le bail, il doit veiller à ce que le locataire respecte l’ensemble des obligations mises à sa charge par le contrat de bail.
Notamment, les échéances de loyers et de charges postérieures à l’ouverture de la procédure doivent être payées au comptant.
À défaut, le bailleur peut exiger la résiliation du bail dans les conditions exposées ci-après.
La résiliation du bail peut intervenir soit à l’initiative de l’administrateur, soit à celle du bailleur.
Résiliation à l’initiative de l’administrateur
Après l’ouverture d’une procédure collective, l’administrateur peut, à tout moment, décider de ne pas continuer le bail.
À noter
tel sera le cas en particulier si l’administrateur constate que les ressources de l’entreprise ne permettent pas d’honorer les échéances de loyers nées postérieurement à l’ouverture de la procédure.
Dans ce cas, la résiliation prend effet au jour où le bailleur est informé de cette décision.
Résiliation à l’initiative du bailleur
Après l’ouverture d’une procédure collective, le bailleur peut demander la résiliation du bail, mais à certaines conditions seulement.
Ces conditions ont trait aux motifs de la résiliation et au délai d’exercice de l’action en résiliation.
S’agissant des motifs de la résiliation, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et des charges antérieurs à la procédure.
En revanche, le bailleur peut agir en résiliation du bail commercial :
- pour toute inexécution du bail antérieure à la procédure autre que le non-paiement des loyers et des charges (et plus généralement de sommes d’argent). Il peut s’agir par exemple du défaut d’entretien par le locataire des lieux loués ou encore du défaut de souscription de la police d’assurance prescrite dans le contrat de bail ;
- pour non-paiement des loyers et des charges nés postérieurement à la procédure.
S’agissant du délai pour résilier le bail, après l’ouverture de la procédure collective, le bailleur ne peut agir en résiliation qu’au terme d’un délai de 3 mois suivant :
- le jugement d’ouverture de la procédure en cas de redressement judiciaire ou de sauvegarde ;
- la publication du jugement d’ouverture de la procédure en cas de liquidation judiciaire.
La cession du bail commercial peut intervenir soit dans le cadre de la cession (totale ou partielle) de l’entreprise du locataire, soit de manière isolée.
Cession du bail intervenant dans le cadre de la cession de l’entreprise du locataire
Les procédures de redressement et de liquidation judiciaires peuvent aboutir à la cession totale ou partielle de l’entreprise du locataire. Dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, seule la cession d'une ou de plusieurs activités peut être envisagée.
En toute hypothèse, cette cession peut s’accompagner de celle du bail commercial.
Dans ce cas, le repreneur doit exécuter le contrat de bail commercial aux conditions applicables au jour du jugement d’ouverture.
À noter
par exception, les clauses du bail ayant pour objet ou pour effet d’en restreindre la cession en imposant l’agrément préalable du bailleur sont privées d’effet en cas de procédure collective. De même que les clauses prévoyant la solidarité entre le cédant et le repreneur à l’égard du bailleur.
En revanche, le pacte de préférence prévu dans le contrat de bail, offrant au bailleur un droit de priorité en cas de cession du bail, continue de s’appliquer.
Cession du seul bail
En cas de liquidation judiciaire, le liquidateur ou l’administrateur peut céder le bail de l’entreprise.
Là encore, cette cession doit intervenir dans le respect des clauses du bail encadrant la cession.
À noter
à la différence d’une cession du bail intervenant dans le cadre de la cession de l’entreprise, la cession isolée du bail ne prive pas d’effet les clauses du bail ayant pour objet ou pour effet de restreindre sa cession.
La protection accordée par la loi au locataire d’un bail commercial en situation de procédure collective doit inciter les bailleurs à la vigilance et la réactivité :
- dès la constatation d’un impayé de loyer, le bailleur a intérêt à mettre en œuvre sans tarder la clause résolutoire prévue dans le bail, afin d’augmenter les chances d’obtenir une décision définitive constatant la résiliation avant que le locataire ne dépose le bilan ;
- et en cas d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du locataire, le bailleur doit veiller à déclarer sa créance de loyers et de charges antérieure dans le délai légal de 2 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au Bodacc.
Et il ne doit pas hésiter à demander à l’administrateur, par l’envoi d’une lettre recommandée avec avis de réception, de se prononcer sur le sort qu’il entend réserver au bail commercial. Cette demande n’aura aucun effet juridique, mais elle aura le mérite d’attirer l’attention de l’administrateur sur la question.
Publié le mardi 13 juillet 2010 - © Copyright SID Presse - 2010