Le nombre de personnes placées sous une mesure de protection juridique (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice) ne cesse d’augmenter. Elles sont aujourd’hui estimées entre 800 000 et 1 million. Afin de permettre à chacun de se préparer à une telle situation, le législateur a introduit en 2007 la possibilité d’organiser à l’avance la gestion de ses intérêts en établissant « un mandat de protection future ».
À noter : ce n’est qu’au 1er janvier 2009 que les mandats ont pu prendre effet.
Le mandat de protection future est un contrat permettant à une personne (mandant) d’organiser à l’avance sa protection en donnant pouvoir à une autre personne (mandataire) de veiller sur elle et de gérer tout ou partie de son patrimoine. Le mandat ne prenant effet que le jour où le mandant n’est plus en état physique ou mental de s’occuper seul de ses affaires. Sachant toutefois qu’avant cette date, le mandant peut toujours modifier le contrat ou changer le mandataire désigné.
L’ensemble des dispositions prévues a pour principal objectif d’éviter l’ouverture d’une mesure judiciaire de curatelle ou de tutelle dont la mise en place et le fonctionnement s’avèrent beaucoup plus lourds.
Précision : cette mesure permet également la protection d’un enfant handicapé. En effet, le ou les parents de l’enfant peuvent désigner, sous certaines conditions, un ou plusieurs mandataires chargés de représenter leur enfant majeur dans le cas où eux-mêmes ne pourraient plus pourvoir à ses intérêts en raison d’un décès ou d’une incapacité.
La protection de la personne
L’étendue de la mission du mandataire est librement définie par le mandant. En effet, ce dernier peut accorder à la personne qu’il aura désignée certains pouvoirs qui se rapportent à sa vie privée. De telles dispositions sont cependant fortement encadrées, principalement par le Code civil et le Code de la santé publique.
Précision :
deux catégories de protection ont été proposées par le ministère de la Justice :
- le statut de « représentant d’une personne en tutelle » permet au mandataire de disposer des mêmes pouvoirs que ceux exercés par un tuteur. Il pourra ainsi consentir à la place du mandant à certains actes médicaux importants ;
- le statut de « personne de confiance » est plus limité puisqu’il permet au mandataire de donner seulement un avis et non pas de prendre une décision à la place du mandant.
La protection du patrimoine
Une liberté importante est laissée au mandant, qui peut confier tout ou partie de son patrimoine au mandataire qu’il aura désigné et peut le cas échéant confier la gestion de son patrimoine à plusieurs personnes. Il a également toute latitude pour réduire les pouvoirs du mandataire en excluant certaines missions de son champ de compétences.
Mais attention : pour que le mandat de protection future puisse remplir son office, des conditions de forme précises sont à respecter. Le mandat conclu par les parents d’un enfant handicapé devra ainsi obligatoirement être établi par un notaire.
De manière générale, selon que le mandat est établi par un acte notarié ou un acte sous seing privé, l’étendue des pouvoirs du mandataire ne sera pas la même.
En effet, dans le premier cas, le sceau du notaire permet aux mandataires de disposer de pouvoirs élargis et d’effectuer des actes importants tels que le placement des capitaux, la mise en location d’un bien ou sa vente. Même si des garde-fous sont mis en place pour veiller à ce que les actes du mandataire retranscrivent bien la volonté du mandant.
En pratique : le notaire devra contrôler les actes du mandataire tandis que le juge des tutelles pourra également intervenir sur certains actes exceptionnels tels que la donation d’un bien par exemple.
Dans le second cas, l’acte sous seing privé devra se conformer au modèle défini par le ministère de la Justice ou à défaut être contresigné par un avocat. En tout état de cause le champ de compétences du mandataire sera fortement réduit dans la mesure où il ne pourra accomplir que les actes de gestion courante tels que l’encaissement d’un loyer ou le renouvellement d’un bail de locataire. Pour les actes plus importants, une autorisation du juge des tutelles sera nécessaire (vente d’un bien, donner congé à son locataire…).
Précision : le mandat de protection future type rédigé par le ministère de la Justice ainsi qu’une notice d’information, est laissé à la disposition du grand public sur le site www.vos-droits.justice.gouv.fr. Afin d’éviter toute contestation quant à la date de conclusion de ce mandat type, ce dernier doit être enregistré à la recette des impôts. Le coût de cet enregistrement étant de 125 €.
Dès la prise d’effet du mandat, un inventaire des biens de la personne à protéger doit être réalisé par le mandataire, le document devant être réactualisé à chaque fois que cela est nécessaire. La loi lui impose, en outre, d’établir tous les ans le compte de sa gestion qui sera contrôlé le cas échéant par le notaire (si le mandat est réalisé par un acte notarié) ou une autre personne librement désignée dans le mandat. Au cas où le juge l’estimerait nécessaire, il pourra le faire vérifier par le greffier du tribunal d’instance.
Précision : le mandataire est tenu de conserver un exemplaire du compte de sa gestion des 5 dernières années.
En termes de responsabilité, l’acceptation par le mandataire de sa mission n’est pas neutre, dans la mesure où il pourra être condamné à payer des dommages et intérêts en cas de mauvaise exécution, d’insuffisance, de fautes dans sa gestion, ou s’il cause un préjudice dans l’exercice de sa mission.
Une grande liberté est aussi laissée au mandant dans la manière dont il souhaite contrôler l’activité de son futur mandataire. Une ou plusieurs personnes peuvent ainsi être désignées pour contrôler les activités du mandataire.
À noter : pour les personnes qui ont formalisé leur mandat par un acte notarié, il convient de préciser que le notaire a déjà un rôle de contrôle, mais qu’il est tout à fait possible de nommer une ou plusieurs personnes supplémentaires.
L’application du mandat fait aussi l’objet d’un contrôle du juge des tutelles. Bien que celui-ci ne puisse pas modifier le mandat, il n’en demeure pas moins qu’il a le pouvoir d’y mettre fin sous certaines conditions. Le juge des tutelles peut également être saisi par tout intéressé contestant la mise en œuvre du mandat, y compris le notaire ou le mandant lui-même.
En ce qui concerne la cessation du mandat, elle intervient, selon le Code civil, à l’occasion :
- du rétablissement des facultés du mandant ;
- du décès du mandant ;
- du décès du mandataire ;
- de la révocation du mandataire par le juge des tutelles.
En pratique : en principe, lorsque le mandat prend fin, le mandataire doit remettre l’inventaire actualisé et les cinq derniers comptes de gestion à la nouvelle personne qui assurera la protection du mandant ou au notaire en charge de la succession.
Lorsque la personne ayant rédigé le mandat de protection future (pour elle-même) n’est plus en état de s’occuper de ses affaires, il appartient au mandataire de prendre en charge toutes les démarches nécessaires pour que le mandat prenne effet.
Dans un premier temps, il lui sera nécessaire d’obtenir un certificat médical d’un médecin certifiant l’inaptitude du mandant.
Précision : le médecin devra être choisi parmi ceux inscrits sur une liste dressée par le procureur de la République.
Dans un second temps, un certain nombre de documents devront être transmis au greffier du tribunal d’instance (le mandat, le certificat médical, la pièce d’identité du mandataire ainsi que le certificat de la résidence habituelle du mandant).
Après ces vérifications d’usage et si le dossier est en règle, un visa sera apposé par le greffier pour que le mandataire puisse commencer à exécuter sa mission.
Le ou les mandataires sont librement choisis par le mandant. Dans la plupart des cas, le choix se porte sur les personnes proches (enfants, épouse).
Toutefois, il est également possible de choisir un « professionnel » (notaire, avocat, conseil en gestion de patrimoine indépendant), voire une personne morale à condition qu’elle soit inscrite sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.
À noter : le mandataire peut très bien refuser sa mission. De même, lorsque le mandat prend effet, il peut demander au juge des tutelles d’en être déchargé.
Même si le mandataire réalise ses missions en principe à titre gratuit, une rémunération peut être prévue dans le mandat ; il en va de même pour la personne nommée pour contrôler les activités du mandataire. Quant aux frais engagés par le mandataire pour mener à bien les missions qui lui sont confiées, ils peuvent également lui être remboursés.
Publié le mercredi 09 février 2011 - © Copyright SID Presse - 2011