Il est fréquent que des salariés ou des dirigeants soient amenés à acquérir des titres de la société au sein de laquelle ils travaillent. Cet investissement génère des frais, notamment quand il est financé par emprunt. La loi de finances rectificative pour 2008 a introduit dans le Code général des impôts une disposition permettant aux salariés et aux dirigeants de sociétés soumises à l'IS de déduire, sous certaines conditions, tout ou partie de ces frais d'acquisition.
À noter
cette disposition s'applique depuis le 1er janvier 2009. Cependant, auparavant, la déductibilité des frais d'acquisition était admise par l'administration fiscale dans des conditions quasi identiques.
Ainsi, le salarié ou le dirigeant, sous réserve qu'il ait renoncé à la déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels et opté corrélativement pour la déduction de leur montant réel, peut déduire ses frais d'acquisition de titres de sa rémunération imposable.
La société dont les titres sont acquis doit toutefois pour cela avoir une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
Et le salarié ou le dirigeant doit exercer son activité principale au sein de cette société.
Précision
le texte fiscal vise les dirigeants de sociétés de capitaux qui sont imposés dans la catégorie des traitements et salaires ou qui relèvent de l'article 62 du Code général des impôts. En conséquence, la plupart des dirigeants de sociétés de capitaux sont visés par cette mesure.
Enfin, la déduction suppose que la détention des titres soit utile au salarié ou au dirigeant, c'est-à-dire qu'elle lui permette l'acquisition ou la conservation de son revenu imposable.
À noter
le dispositif s'applique aux acquisitions de titres proprement dites mais également aux souscriptions de titres nouvellement émis.
Une instruction en date du 28 janvier 2010 vient de préciser les conditions et les modalités d'application de cette mesure.
Chaque année au titre de laquelle le contribuable déduit des frais d'acquisition, il doit pouvoir justifier qu'il a exercé son activité principale au sein de la société dont les titres sont acquis.
Cette condition devant être satisfaite dans les 3 mois suivant l'acquisition des titres.
Et lorsque le contribuable travaille au sein de plusieurs entreprises, pour pouvoir déduire les frais d'acquisition des titres d'une société, il doit retirer des fonctions qu'il exerce plus de la moitié de ses revenus professionnels nets imposables.
Attention
si le salarié ou le dirigeant cède ses titres, pour pouvoir déduire les frais d'acquisition au titre de l'année concernée, il devra avoir exercé son activité principale au sein de la société jusqu'à la date de la cession.
La société dont les titres sont acquis doit être une société opérationnelle, c'est-à-dire développant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
Les holdings animatrices des groupes de sociétés entrent toutefois également dans le champ d'application de ce dispositif.
En revanche, sont exclues les sociétés dont l'activité consiste en la gestion de leur patrimoine mobilier ou immobilier (sociétés civiles de portefeuille, sociétés civiles immobilières essentiellement).
Les titres ne doivent pas avoir été acquis par le contribuable dans un but patrimonial, c'est-à- dire pour se constituer une épargne.
Précision
l'acquisition de titres réalisée dans le cadre des dispositifs d'épargne salariale ou d'actionnariat salarié est donc exclue du dispositif de déduction des frais d'acquisition.
Plus encore, et c'est la principale difficulté d'application de ce dispositif, l'investissement doit être utile pour l'acquisition ou la préservation du revenu professionnel du contribuable.
À ce titre, l'administration précise que le fait que le contribuable exerce son activité au sein de la société ne suffit pas à justifier de cette utilité.
Pour illustrer sa position, l'administration cite un certain nombre de personnes pour lesquelles elle estime que la condition d'utilité est remplie (dirigeants de SEL, membres de SCP de professions réglementées…).
Elle cite également des situations dans lesquelles l'utilité de l'acquisition est présumée :
- la reprise d'entreprise par une personne qui en prend le contrôle, en devient le dirigeant et y exerce son activité professionnelle principale ;
Commentaire
l'administration fiscale ne définissant pas la notion de contrôle dans son instruction, la détention de la majorité des droits de vote devrait a priori être considérée comme un cas de contrôle de la société.
- l'investissement au sein d'une société faisant l'objet d'une procédure collective ;
- l'acquisition permettant l'accession à de nouvelles fonctions dans la société.
Précision
dans certains types de sociétés, la fonction de dirigeant ne peut en effet être exercée que par un associé. Tel est le cas notamment du président de SA s'il exerce les fonctions de directeur général par ailleurs, ou bien encore, dans les SELAFA ou les SELAS, des membres du directoire ou des directeurs généraux.
Les frais dont la déduction est autorisée sont les suivants :
- les frais et droits supportés pour l'acquisition ou la souscription : commissions, honoraires, droits d'enregistrement, frais d'acte ;
- les intérêts d'emprunt et les frais et droits correspondants (frais de dossier, cotisation d'assurance du prêt, etc.).
Ces frais doivent être détaillés sur une note jointe à la déclaration d'ensemble des revenus, l'administration fiscale pouvant demander en outre des justificatifs.
Lorsqu'il remplit les conditions, le contribuable ne peut pas forcément déduire l'intégralité des frais d'acquisition éligibles de ses rémunérations.
En effet, pour s'assurer que l'acquisition est utile professionnellement au contribuable et ne lui permet pas de réaliser un investissement privé, la loi a plafonné la déduction des frais.
Ainsi, sont déductibles les frais qui correspondent à la part de l'emprunt dont le montant est proportionné à la rémunération annuelle perçue ou escomptée par le contribuable au moment où l'emprunt est contracté.
À ce titre, l'administration précise que cette condition de proportionnalité est remplie lorsque le montant de l'emprunt n'excède pas le triple de la rémunération annuelle allouée ou escomptée.
Seul le montant des intérêts correspondant à cette limite est donc déductible, la déduction pouvant ainsi n'être que partielle.
À noter
la proportionnalité est appréciée au moment de la souscription de l'emprunt et détermine la fraction des intérêts déductibles pour toute la durée de l'emprunt. L'évolution ultérieure de la rémunération n'aura donc aucune incidence sur le montant des intérêts déductibles.
Dans certains cas, le contribuable investit progressivement dans la société et souscrit en conséquence plusieurs emprunts de façon échelonnée dans le temps.
Dans cette hypothèse, l'administration précise que la règle de proportionnalité est appréciée en tenant compte du capital restant dû au titre des emprunts précédents.
Et si une partie de l'acquisition est financée en partie en fonds propres et en partie par emprunt, il convient de réduire le plafond de déduction en fonction de la part représentée par l'investissement via l'emprunt (exemple : réduction d'un tiers du plafond si l'acquisition est autofinancée à cette hauteur).
La déduction des frais d'acquisition des titres de sociétés à l'IS par les dirigeants ou les salariés (art. 83,3° du CGI) est exclusive du bénéfice d'un autre avantage fiscal.
Ainsi, le contribuable devra arbitrer entre la déduction sur ses rémunérations des frais d'acquisition et :
- la réduction d'IR ou d'ISF pour souscription au capital de PME ;
- la réduction d'IR pour la reprise d'une entreprise ;
- le placement des titres au sein d'un plan d'épargne en actions ou d'un plan d'épargne salariale.
Il devra également choisir entre la déduction des rémunérations au titre du régime général (art. 83,3° du CGI) ou en vertu du dispositif spécifique aux souscriptions au capital de sociétés opérationnelles nouvelles (art. 83, 2° Quater du CGI).
Précisions
le dispositif codifié à l'article 83, 2° Quater du CGI, permet aux salariés et aux dirigeants de sociétés opérationnelles nouvelles soumises à l'IS de déduire de leurs rémunérations les frais d'acquisition des titres. Cependant cette souscription doit intervenir l'année de création de la société ou les deux années suivantes. Et cette réglementation pose des conditions contraignantes au niveau de la société (composition de l'actif immobilisé, détention du capital) et de l'associé (conservation des titres). Enfin la déduction est limitée dans son montant annuellement à 50 % des rémunérations perçues ou 15 250 €.
En pratique, l'arbitrage devra être opéré en fonction d'une part du montant de l'avantage fiscal (simulations à opérer), mais d'autre part en fonction des contraintes de chaque dispositif.
Ainsi, les avantages fiscaux octroyés par les autres dispositifs supposent que les titres souscrits soient conservés pendant 5 ans. La déduction des intérêts d'emprunt par les salariés et les dirigeants de sociétés soumises à l'IS n'est en revanche pas subordonnée à une durée de conservation des titres.
Les contribuables, dirigeants ou non, qui exercent leur activité professionnelle au sein d'une société de personnes soumise à l'IR peuvent également déduire les frais d'acquisition des titres de cette société.
Les intérêts d'emprunts contractés pour l'acquisition d'un bien ensuite apporté à la société en contrepartie de l'attribution de droits sociaux sont également déductibles.
La déduction s'opèrant sur la quote-part de résultat sur laquelle ces membres de sociétés de personnes sont imposés dans la catégorie des BA, BNC ou BIC.
Précision
en cas de transformation d'une société de personnes en société soumise à l'IS ou en cas d'option pour cet impôt, les intérêts d'emprunt peuvent continuer à être déduits selon le régime de déduction applicable aux salariés et aux dirigeants des sociétés soumises à l'IS. Dans ce cas, le plafonnement s'apprécie en fonction des données (rémunération et capital restant dû) existantes à compter du changement.
Publié le mercredi 12 mai 2010 - © Copyright SID Presse - 2010