Le nouveau statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), instauré par la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010, permet à tout entrepreneur individuel d'affecter une partie de son patrimoine à l'exercice de son activité professionnelle, sans créer une société, le séparant ainsi de son patrimoine personnel. Et, intérêt majeur de l’EIRL, seul ce patrimoine professionnel est exposé aux poursuites des créanciers de l'entreprise.
Au-delà de cet aspect juridique que nous approfondirons tout à l’heure, l’EIRL dispose d’un régime fiscal particulier.
Ce régime fiscal est calqué sur celui de l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL). Cependant, en dehors de la reprise de ces règles fiscales, des règles spécifiques ont été adoptées en matière de responsabilité fiscale de l’entrepreneur et de contrôle fiscal.
À noter
tout comme les dispositions juridiques, les dispositions fiscales n’entreront en vigueur qu’à compter de la publication d’une ordonnance qui doit intervenir dans les 6 mois de la publication de la loi, soit au plus tard le 16 décembre 2010.
Imposition de principe à l’impôt sur le revenu
En principe, l’EIRL est assimilé sur le plan fiscal à l’EURL. Cela signifie que les revenus de l’EIRL sont imposés à l’impôt sur le revenu au nom de l’entrepreneur dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), des bénéfices non commerciaux (BNC) ou des bénéfices agricoles (BA), selon la nature de l’activité exercée.
Ces bénéfices sont taxés dans leur totalité, indépendamment de leur appréhension effective par l’entrepreneur. Et les rémunérations versées à l’entrepreneur ne peuvent pas venir en déduction du résultat imposable.
Important
afin d’éviter l’application d’une majoration des revenus de 25 %, l’EIRL peut adhérer à un centre de gestion agréé ou à une association agréée, ou recourir, sous conditions, aux services d’un expert-comptable.
Et si l’EIRL dégage des pertes, il pourra les imputer sur les autres revenus de son foyer fiscal.
Une option possible à l’impôt sur les sociétés
Mais la particularité du régime fiscal de l’EIRL réside dans la possibilité, malgré l’absence de création d’une personne morale, d’opter à l’impôt sur les sociétés.
À savoir
cette option nécessitant d’être soumis à un régime réel d’imposition, elle n’est pas ouverte aux EIRL relevant d’un régime micro-entreprises.
Dans ce cas, les bénéfices réalisés, desquels auront été déduites les rémunérations versées à l’entrepreneur, seront taxés au taux de 15 % jusqu’à un résultat de 38 120 € puis de 33,1/3 % au-delà. Par ailleurs, les rémunérations et les sommes effectivement distribuées à l’EIRL seront imposées à titre personnel au nom de l’entrepreneur à l’impôt sur le revenu.
En pratique
cette option sera intéressante pour l’entrepreneur dès lors que son taux moyen d’imposition à l’impôt sur le revenu excédera les taux de 15 % et de 33,1/3 %.
La liquidation de l’EIRL
La liquidation de l’EIRL emporte les mêmes conséquences fiscales qu’une cessation d’entreprise, à savoir l’imposition immédiate :
- des bénéfices d’exploitation non encore taxés ;
- des bénéfices en sursis d’imposition ;
- des profits latents sur stocks ;
- des plus-values latentes incluses dans l’actif social.
Les droits d’enregistrement
Le dépôt de la déclaration d’affectation des biens au patrimoine professionnel, si ces derniers ne sont pas de nature immobilière, générera un droit fixe de 25 €.
Par ailleurs, l’affectation de tout ou partie d’un bien immobilier au patrimoine professionnel nécessitera un acte notarié publié au bureau des hypothèques.
À ce titre, des émoluments fixes seront dus dans le cadre d’un plafond qui sera déterminé par décret.
À noter
des précisions de l’administration fiscale sur les droits d’enregistrement dus à l’occasion de la transformation en EIRL d’une activité exercée à titre individuel sont attendues.
L’intérêt principal de la répartition par l’entrepreneur de ses biens entre son patrimoine privé et son patrimoine professionnel réside dans la limitation du gage des créanciers.
Ainsi, les créanciers dont les créances sont nées postérieurement au dépôt de la déclaration d’affectation et à l’occasion de l’activité professionnelle de l’entrepreneur ne pourront poursuivre ce dernier que sur son patrimoine affecté.
À l’inverse, les créanciers personnels de l’entrepreneur n’auront pour gage, postérieurement à la déclaration d’affectation, que le patrimoine personnel de l’entrepreneur.
Il existe toutefois en matière fiscale une dérogation à ces principes en cas de manœuvres frauduleuses ou à la suite de l’inobservation grave et répétée par l’EIRL de ses obligations fiscales.
Précisions
les manœuvres frauduleuses résident en la mise en œuvre de procédés ayant pour finalité d’éluder la déclaration ou le paiement de l’impôt, accomplis en toute connaissance de cause et ne pouvant être considérés comme des erreurs excusables ou des omissions involontaires (dissimulation volontaire de recettes taxables par exemple). L’inobservation grave et répétée des obligations fiscales concerne aussi bien l’assiette que le paiement de l’impôt (exemples : insuffisance de déclaration sur plusieurs exercices, dépôt tardif des déclarations fiscales…).
Lorsque de tels agissements de l’entrepreneur seront reconnus par la juridiction compétente, à savoir le tribunal de grande instance du domicile de l’entrepreneur ou de celui de son activité, l’administration fiscale pourra poursuivre l’entrepreneur sur tout son patrimoine, indépendamment de l’origine de ses créances.
Attention
pour cela, un lien de causalité devra être établi entre les agissements de l’EIRL et l’impossibilité de recouvrement des créances fiscales.
En principe, l’administration est en droit d’engager un contrôle fiscal à l’encontre d’un entrepreneur individuel jusqu’à la fin de la troisième année qui suit l’année d’imposition des résultats ou l’exigibilité de la TVA.
Ce délai est réduit d’une année pour les entreprises individuelles, soumises à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des BIC, BA ou BNC, relevant d’un régime réel d’imposition, qui adhèrent à un centre de gestion agréé, ou à une association agréée. La loi instaurant l’EIRL fait également bénéficier les EIRL ayant opté à l’impôt sur les sociétés mais également les sociétés à responsabilité limitée, les exploitations agricoles à responsabilité limitée, et les sociétés d’exercice libéral à responsabilité limitée, ayant également opté à l’impôt sur les sociétés et dont l’associé unique est une personne physique, de la réduction d’un an du délai d’action de l’administration fiscale. Cette réduction de délai vaut pour l’imposition des résultats mais également en matière de TVA.
Pour cela, ces bénéficiaires devront avoir adhéré à un centre de gestion agréé ou une association agréée.
Mais la réduction du délai d’action de l’administration fiscale ne vaudra que pour les périodes au titre desquelles le service des impôts des entreprises aura reçu un compte rendu de mission établi par l’organisme agréé auquel le contribuable aura adhéré.
Attention
le délai d’action de l’administration reste fixé à 3 ans pour les contribuables auxquels des pénalités, autres que des intérêts de retard, auront été appliquées.
Une question ne manquera pas de se poser très vite en pratique : dans l’hypothèse où un entrepreneur individuel déciderait d’adopter le statut de l’EIRL, ce changement de statut sera-t-il assimilé fiscalement à un apport à une EURL ?
Autrement dit, va-t-il subir une imposition de la plus-value latente sur les biens qu’il décide d’affecter à son patrimoine professionnel ?
Selon les informations figurant dans l’étude d’impact annexée au projet de loi, la réponse à ces questions serait positive.
Toutefois, un régime de faveur existe en cas d’apport d’une entreprise individuelle à une société, et il est permis de s’interroger sur son application en cas de transformation d’une activité exercée à titre individuel en EIRL. Ce régime permet de reporter l’imposition des plus-values latentes sur les immobilisations non amortissables apportées.
Commentaire
s’il s’appliquait à la transformation d’une entreprise individuelle en EIRL, ce report devrait selon toute vraisemblance prendre fin lors de la cession du bien affecté au patrimoine professionnel ou de la liquidation de l’EIRL, ce dernier cas de cessation du report d’imposition étant expressément prévu par la loi.
En outre, selon ce régime, les plus-values sur éléments non amortissables sont réintégrées de façon échelonnée (sur 5 ans ou 15 ans selon la nature du bien concerné) dans les bénéfices de l’entité à laquelle ils sont apportés (qui serait l’EIRL en l’espèce).
Les commentaires de l’administration fiscale à ce titre sont très attendus car ils permettront d’apprécier l’impact fiscal qu’aura la transformation en EIRL d’une activité exercée à titre individuel, et donc son opportunité.
On peut s’interroger également sur le sort des plus ou moins-values latentes existant sur des biens inscrits au bilan de l’entreprise individuelle qui ne seraient pas mentionnés dans la déclaration d’affectation de l’EIRL. L’application à l’EIRL du régime fiscal de l’EURL conduirait en effet à taxer ces plus-values latentes au titre du retrait d’actif (sauf application d’un régime d’exonération des plus-values professionnelles).
D’autant que pour les exploitants exerçant une activité industrielle et commerciale, d’un point de vue fiscal, la composition du patrimoine professionnel ne sera pas forcément la même s’ils décident d’exercer sous le statut de l’EIRL. En effet, l’entrepreneur individuel pourra avoir inscrit à son bilan un bien non utilisé pour son activité. En cas de transformation en EIRL, une telle affectation au patrimoine professionnel deviendra impossible et la plus-value latente sur ce bien pourrait en conséquence être taxée du fait du retrait dans le patrimoine privé.
Ces points devraient également être précisés par l’administration dans ses commentaires.
Point très important : le choix du régime fiscal de l’EIRL dictera son régime social.
EIRL soumis à l’impôt sur le revenu
Comme l’entrepreneur individuel, l’EIRL soumis à l’impôt sur le revenu est redevable des cotisations et contributions sociales sur l'ensemble des bénéfices de l'exploitation.
À noter
il peut aussi opter, s'il en remplit les conditions, pour le versement forfaitaire libératoire, dit « micro-social simplifié ».
EIRL ayant opté à l’impôt sur les sociétés
En cas d’option pour l’impôt sur les sociétés, les cotisations et contributions sociales sont dues sur la rémunération que l’entrepreneur se verse et ne sont pas exigibles sur les dividendes qui lui sont versés.
Toutefois, afin d’éviter les fraudes visant à minorer voire à éluder le paiement des cotisations et contributions sociales, ce principe a été fortement aménagé. Il est en effet prévu de soumettre à cotisations la part des bénéfices appréhendée sous forme de dividendes excédant :
- 10 % de la valeur des biens du patrimoine affecté constaté en fin d'exercice ;
- ou 10 % du montant du bénéfice net si ce dernier montant est supérieur.
À savoir
la mise en œuvre de cette disposition est toutefois subordonnée à la publication d'un décret en Conseil d'État en précisant les modalités d'application.
Enfin, de la même façon que pour le recouvrement des créances fiscales, le recouvrement des cotisations et des contributions sociales dues au titre de l’activité de l’EIRL peut, par dérogation, être recherché sur la totalité du patrimoine du contribuable. Il en ira ainsi si celui-ci s’est rendu coupable de manœuvres frauduleuses ou d’inobservations graves et répétées des prescriptions de la législation de la Sécurité sociale. Mais pour cela, les agissements de l’entrepreneur devront avoir été reconnus par un juge comme ayant rendu impossible le recouvrement de ces cotisations.
Publié le mardi 12 octobre 2010 - © Copyright SID Presse - 2010