Très souvent, les créanciers (les banques généralement) d'une société exigent de son dirigeant qu'il se porte caution pour elle en contrepartie de la fourniture de biens ou de services ou de l'octroi d'un crédit. C'est le cas en particulier pour les sociétés commerciales à responsabilité limitée (SARL, SAS, SA), dans lesquelles les associés ne sont tenus au passif social que dans la limite de leurs apports, et a fortiori lorsque la société dispose d'un capital modeste impropre à constituer un gage suffisant aux yeux des créanciers.
En se portant caution pour sa société, le dirigeant prend l'engagement d'honorer personnel-lement les dettes de celle-ci au cas où elle serait défaillante. Le cautionnement est donc un acte qui peut s'avérer lourd de conséquences. Le dirigeant doit en être pleinement conscient au moment où il accepte (en règle générale, il n'a guère le choix s'il veut obtenir un crédit !) d'y souscrire.
Le dirigeant qui se porte caution pour sa société doit bien mesurer la portée de son engagement. Il doit en particulier être attentif à l'étendue de son obligation, c'est-à-dire à la nature et à l'importance des sommes qu'il accepte de garantir et qu'il aura, le cas échéant, à acquitter en lieu et place de la société.
Lorsque le cautionnement est fourni en garantie d'une dette déterminée, comme par exemple le montant d'un prêt bancaire, l'engagement du dirigeant présente l'avantage d'être précisément limité. En revanche, lorsque le créancier, souvent le banquier fournisseur de crédit, obtient du dirigeant qu'il se porte caution, de façon indéfinie, pour toute somme que la société pourrait lui devoir, l'obligation du dirigeant n'est, cette fois, plus du tout restreinte, et les risques encourus sont d'autant plus grands.
Le dirigeant doit également veiller à la durée du cautionnement qu'il souscrit pour sa société. En principe, il se porte caution pour elle parce qu'il en est le dirigeant. Pour autant, la cessation de ses fonctions ne met pas nécessairement fin au cautionnement.
La situation est sans surprise lorsque les parties ont expressément convenu d'un terme. À la date prévue, l'engagement du dirigeant en tant que caution cesse ipso facto, peu important qu'il exerce toujours ou non son mandat social. Celui-ci n'est alors plus tenu de garantir les dettes de la société nées après cette date.
À l'inverse, la situation du dirigeant est moins confortable lorsqu'il s'est porté caution sans aucune indication de durée, ce qui est fréquemment le cas, on l'a dit, s'agissant d'un cautionnement souscrit en garantie de toute somme, y compris future, due par la société au créancier. Dans ce cas de figure, si le dirigeant peut théoriquement révoquer son engagement à tout moment, il hésitera en pratique à user de cette faculté de peur qu'en représailles le créancier n'interrompe son concours financier.
Aussi le dirigeant caution retrouve-t-il pleinement cette liberté de mettre fin à son engagement de caution au moment où il abandonne ses fonctions de dirigeant. Mais encore faut-il qu'il le fasse savoir au créancier.
Car attention, s'il ne le fait pas, il continue d'être tenu des dettes de la société nées après la cessation de ses fonctions ! À moins qu'il ait pris soin d'indiquer dans l'acte que le caution-nement était lié à sa qualité de dirigeant et qu'il prendrait fin au terme de son mandat social.
Ainsi, dans une récente affaire, le président du conseil d'administration d'une société s'était porté caution envers une banque de « toutes les dettes de cette société », à concurrence d'une certaine somme. Après la cessation de ses fonctions, la société, représentée par un nouveau dirigeant, s'était fait consentir un nouveau prêt par cette même banque. Mais ce n'est qu'un mois plus tard que l'ancien président du conseil d'administration avait résilié son engagement de cautionnement.
Lorsque la société a été placée en redressement judiciaire, la banque a demandé à ce dernier de payer les sommes dues, notamment au titre du nouveau prêt.
Les juges ont fait droit à cette demande car il était prévu que le cautionnement garantissait toutes les dettes, y compris futures, de la société et ne cessait pas avant que l'intéressé ne le révoque expressément. Et la révocation n'avait eu lieu qu'après la conclusion du nouveau prêt...
On fera remarquer, d'une part, que ni la bonne foi régissant les relations contractuelles entre la banque et la caution, ni l'obligation générale d'information qui pèse sur le banquier n'imposent à celui-ci d'avertir l'ancien dirigeant de la souscription d'un nouveau prêt par la société. C'est ce qu'ont affirmé les juges, pour la première fois semble-t-il, dans l'arrêt du 8 janvier 2008.
D'autre part, le fait que le successeur de l'ancien dirigeant se soit, lui aussi, porté caution des dettes de la société envers le même créancier, en l'occurrence la même banque, n'a aucune incidence sur sa situation : il n'est pas libéré pour autant de son engagement. Sauf s'il avait été prévu dans l'acte que le nouveau dirigeant se substituerait automatiquement à l'ancien en qualité de caution à la fin du mandat de ce dernier... ou si le créancier consent expressément à décharger le premier dirigeant de son engagement.
Il importe donc de conseiller à celui qui se porte caution, pour une durée indéterminée, envers un créancier de sa société, de stipuler expressément dans le contrat de cautionnement que son engagement est lié à l'exercice de ses fonctions et qu'il cessera de plein droit dès que ces fonctions prendront fin.
À défaut, il devra penser à révoquer expressément son engagement en adressant au créancier une lettre recommandée avec demande d'avis de réception lorsqu'il quittera ou cédera ses parts. Sinon, il continuera à garantir les dettes de la société qui prendront naissance ensuite, alors même qu'il n'en sera plus le dirigeant ! D'autant que rien n'oblige, comme on l'a vu, le créancier à informer le dirigeant caution sur la nécessité de révoquer son engagement lorsque cessent ses fonctions (le créancier professionnel est simplement tenu, lorsque l'engagement est à durée indéterminée, de faire connaître chaque année au dirigeant caution la faculté pour lui de le révoquer à tout moment et les conditions de cette révocation).
Une porte de sortie consistera néanmoins pour l'intéressé à démontrer que sa qualité de dirigeant a constitué un motif déterminant de son engagement de caution. Mais une telle preuve ne sera pas si simple à apporter.
De surcroît, la prudence commande au dirigeant de tenter de limiter au minimum le montant de son obligation de caution, en négociant avec son créancier un plafonnement des dettes qu'il accepte de garantir.
De la sorte, l'engagement du dirigeant sera limité dans son montant.
Publié le lundi 19 mai 2008 - © Copyright SID Presse - 2008