Le renouvellement d’un bail commercial est souvent l’occasion d’une renégociation du montant du loyer. Bailleurs et preneurs peuvent librement fixer le montant de ce loyer. Mais les désaccords entre eux sont fréquents et donnent lieu à un contentieux important. Lorsque le juge est appelé à fixer le montant du loyer d’un bail commercial renouvelé, il doit faire application des règles légales suivantes.
Règle n° 1 : le loyer du bail commercial renouvelé doit correspondre à la valeur locative des locaux (art. L. 145-33 du Code de commerce).
Règle n° 2 : quelle que soit la valeur locative, l’augmentation de loyer appliquée à l’occasion du renouvellement du bail ne peut excéder la variation de l’indice du coût de la construction (ou, le cas échéant, de l’indice des loyers commerciaux) publié par l’Insee, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré (art. L. 145-34 du Code de commerce).
C’est la fameuse règle du plafonnement. Mais attention, cette règle s’applique lorsque la durée du bail initial ne dépasse pas 9 ans.
Important : le loyer à prendre en compte pour le calcul du loyer du bail renouvelé est celui qui a été fixé lors de la signature du bail venu à expiration, et non celui résultant des différentes révisions intervenues en cours de bail.
Rappel : introduit par la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, l’indice des loyers commerciaux (ILC) est le nouvel indice applicable en matière de bail commercial. La prise en compte de cet indice est facultative. Il ne se substitue au traditionnel indice du coût de la construction (ICC) que si les parties ont en expressément manifesté la volonté dans le contrat de bail (ou dans un avenant à celui-ci). Sachant que ce nouvel indice n’a pas vocation à s’appliquer à tous les baux commerciaux, mais seulement à ceux portant sur des locaux affectés aux activités commerciales, y compris celles exercées par les artisans.
Si le bail ne précise pas le trimestre de référence de l’indice à prendre en compte lors du renouvellement, il faut se référer à la variation de cet indice, calculée sur la période de 9 ans antérieure au dernier indice publié à la date de son renouvellement.
Illustrations :
1er cas : soit un bail d’origine conclu pour 9 ans ayant pris effet le 1er janvier 2002 avec un montant de loyer mensuel initial de 1000 €. L’indice de référence prévu par les parties dans le bail est celui du 2e trimestre 2001 (valeur 1139).
Le bail doit être renouvelé au 1er janvier 2011.
Le loyer du bail renouvelé doit alors être calculé de la manière suivante :
=> Loyer initial x valeur de l’indice du 2e trimestre 2010 (1517)/valeur de l’indice du 2e trimestre 2001 (1139), soit 1000 x 1517/1139 = 1332 €
2nd cas : soit un bail d’origine conclu pour 9 ans ayant pris effet le 1er juillet 2001, avec un montant de loyer mensuel initial de 1 000 €.
Le bail ne précise pas l’indice de référence.
Le renouvellement du bail intervient le 1er juillet 2010. À cette date, le dernier indice publié est celui du 4e trimestre 2009 (valeur 1507).
Le loyer du bail renouvelé doit alors être calculé de la manière suivante :
=> Loyer initial x valeur de l’indice du 4e trimestre 2009 (1507)/valeur de l’indice du 4e trimestre 2000 (1127), soit 1000 x 1507/1127 = 1337 €
Important : la règle du plafonnement ne vient limiter le jeu de la règle de fixation du loyer à la valeur locative que dans le cas où la valeur locative excède le montant du loyer plafonné. En sens inverse en revanche, la Cour de cassation a posé le principe selon lequel, en cas de valeur locative inférieure au montant du loyer plafonné, le loyer du bail renouvelé doit être conforme à la valeur locative(1).
Par exception, la règle du plafonnement est écartée dans les hypothèses suivantes.
Modification notable des éléments constitutifs de la valeur locative
En cas de modification notable de l’un ou de plusieurs des éléments servant à déterminer la valeur locative des locaux, le loyer est porté au montant de la valeur locative qui en résulte même si ce montant est supérieur au plafond normalement autorisé.
Rappel :
les éléments constitutifs de la valeur locative sont les suivants :
- les caractéristiques des locaux loués (surface, état…) ;
- la destination des locaux loués (nature de l’activité autorisée par le bail) ;
- les obligations respectives des parties (notamment l’importance des charges supportées par le locataire) ;
- les facteurs locaux de commercialité ;
- les prix couramment pratiqués dans le voisinage (pour la détermination du loyer du bail renouvelé, les prix couramment pratiqués dans le voisinage ne sont pas pris en considération).
Ainsi, la modification au cours du bail précédent de la surface des locaux loués ou l’autorisation par le bailleur d’un changement d’activité peuvent constituer un changement notable de la valeur locative. Sachant que le caractère notable de la modification est laissé à l’appréciation souveraine du juge. Celui-ci, en pratique, est souvent amené à ordonner une mesure préalable d’expertise judiciaire pour déterminer si une modification notable est intervenue.
Le bail qui vient d’expirer avait été conclu pour une durée initiale de plus de 9 ans ou, par le jeu de la tacite reconduction, il a duré plus de 12 ans
Dans ce cas, la règle du plafonnement ne s’applique pas et le montant du loyer du bail renouvelé doit correspondre à la valeur locative du local.
En pratique :
un bailleur patient peut donc tirer avantage d’une tacite reconduction. En laissant le bail atteindre une durée effective de 12 années, il peut délivrer congé avec offre de renouvellement moyennant un loyer déplafonné.
De son côté, le preneur doit éviter que le bail atteigne la durée fatidique de 12 années. Pour cela, il veillera à formuler une demande de renouvellement avant l’écoulement des 12 ans. Une demande de renouvellement faite avant cette échéance est efficace même si elle a été précédée d’un congé du bailleur offrant le renouvellement moyennant déplafonnement du loyer pour une date postérieure à l’échéance des 12 ans.
Le bail qui vient d’expirer porte sur des terrains nus
Le loyer des baux de terrains nus échappe au plafonnement lors du renouvellement. Il doit être fixé par référence à la valeur réelle du terrain.
À noter :
cette exception doit toutefois être nuancée dans le cas où, entre la date de la signature du bail venant d’expirer et celle de son renouvellement, le preneur a érigé des constructions sur le terrain.
En effet, soit le bail d’origine prévoit que toutes les constructions réalisées sur le terrain loué deviendront la propriété du bailleur et dans ce cas, à la date de renouvellement, le bail n’a plus pour objet un terrain nu, mais un terrain construit. Dès lors, la règle du plafonnement sera applicable.
Soit le bail d’origine prévoit que les constructions demeureront la propriété du preneur et, dans ce cas, il y aura bien lieu à déplafonnement du loyer du bail renouvelé, puisque l’objet du bail à renouveler continue de porter sur un terrain nu.
Le bail qui vient d’expirer a pour objet des locaux à usage exclusif de bureaux
Le loyer des locaux à usage exclusif de bureaux est fixé à la valeur locative, par référence au prix du marché pour des locaux équivalents, corrigé le cas échéant pour tenir compte des éventuelles différences de situation ou de consistance entre les locaux loués et les locaux de référence.
Selon la Cour de cassation, le caractère d’usage exclusif de bureaux n’est pas incompatible avec le fait pour le preneur d’y recevoir de la clientèle et des fournisseurs, dès lors que ce local ne sert notamment ni au dépôt ni à la livraison de marchandises.
Précision :
pour savoir si un local est à usage exclusif de bureaux, il faut se référer à la clause qui fixe la destination du bail d’origine et non aux activités effectivement pratiquées par le preneur dans les locaux loués. Ainsi, ont par exemple été considérés comme des locaux à usage effectif de bureaux, les locaux qui, selon les termes du contrat de bail, étaient affectés aux activités suivantes :
- agences de voyages ;
- agences immobilières ;
- agents d’assurance ;
- agences de publicité.
Le bail qui vient d’expirer a pour objet des locaux monovalents
Les locaux monovalents sont les locaux qui ont été conçus, construits, aménagés ou transformés en vue d’une exploitation unique et pour lesquels il ne serait pas possible de changer la destination sans engager des travaux importants ou des transformations coûteuses.
C’est le cas le plus souvent des cliniques, des hôtels, des cinémas ou encore des salles de spectacle.
Dans le cas des locaux monovalents, par exception à la règle du plafonnement, le loyer peut être déterminé en fonction des usages observés dans la branche d’activités considérée (par exemple, un pourcentage du chiffre d’affaires). À défaut d’usage, et en cas de désaccord entre les parties, le juge apprécie souverainement la méthode de calcul qui lui paraît la plus appropriée.
Important : contrairement aux locaux à usage exclusif de bureaux, la monovalence ne dépend pas des stipulations du bail mais des caractéristiques matérielles et objectives des locaux. Pour cette raison, la présence dans le bail d’origine d’une clause « tous commerces » est sans incidence sur la qualification de locaux monovalents. La présence d’une telle clause peut toutefois avoir une incidence sur la détermination du loyer lors du renouvellement du bail d’un local monovalent. La Cour de cassation a admis en effet qu’elle pouvait justifier une majoration du loyer du bail renouvelé(2).
Le bail qui vient d’expirer contient une « clause recettes », c’est-à-dire une clause qui fixe le loyer (ou une partie seulement) en fonction d’un pourcentage du chiffre d‘affaires réalisé par le locataire
Dans ce cas, la règle du plafonnement est écartée et le loyer est déterminé selon les stipulations de la clause. La révision du loyer du bail renouvelé dépend donc ici uniquement des dispositions prévues par les parties. Ces dernières ont donc intérêt à définir précisément les modalités dans lesquelles la révision du loyer s’opérera.
À noter : la clause recettes (ou clause de loyer variable) est souvent prévue dans les baux de boutiques situées dans les centres commerciaux.
(1) Cf. notamment Cassation sociale 3e, 3 juin 2004, n°?02-18778
(2) Cassation civile 3e, 3 novembre 2005, n°?04-16376
Publié le lundi 07 février 2011 - © Copyright SID Presse - 2011