À la demande des banques notamment, les dirigeants de société sont régulièrement amenés à garantir par leur caution personnelle des dettes contractées par leur société. Un engagement qui ne doit évidemment pas être pris à la légère !
D'autant plus que lorsque le dirigeant se trouve contraint d'exécuter son engagement de caution, ses versements ne sont déductibles de son revenu global que sous certaines conditions peu à peu précisées par la jurisprudence.
Ainsi, l'engagement de caution doit avoir été pris en vue de servir les intérêts de l'entreprise. Il ne doit pas être d'un montant hors de proportion avec les rémunérations que le dirigeant perçoit ou peut escompter percevoir (selon les magistrats, au maximum le triple de sa rémunération annuelle). Et enfin, l'engagement doit se rattacher directement à la qualité de dirigeant.
Pour déterminer notamment si cette dernière condition est remplie, c'est la situation du contribuable à la date de souscription de l'engagement qui est prise en compte. Il doit donc à ce moment-là avoir la qualité de dirigeant. Le Conseil d'État vient de juger que les versements réalisés par un ancien dirigeant de société, en exécution de son engagement de caution souscrit à une date à laquelle il était déjà à la retraite, ne peuvent être imputés sur son revenu global. En effet, les juges ont estimé, dans ce cas, que cette dépense n'est pas engagée en vue d'assurer la conservation de ses revenus et constitue de ce fait une perte en capital.
À noter
une cour administrative d'appel avait d'ailleurs déjà pris une position similaire, en considérant comme non déductibles les versements effectués par un contribuable en exécution d'un engagement de caution souscrit à une époque où il n'était plus dirigeant, alors que ce cautionnement annulait et remplaçait des engagements que le contribuable avait pris à une date où il était encore président de la société.
Peu importe, en revanche, que le contribuable ne soit plus en fonction lorsqu'il est appelé en exécution du cautionnement, les versements effectués dans ce cadre sont bien déductibles.
Ces règles de déductibilité ne concernent que les dirigeants salariés (PDG, vice-président, président du directoire, directeur général, gérant minoritaire) et les dirigeants visés par l'article 62 du CGI (gérant majoritaire de SARL), pour lesquels les versements effectués en exécution d'un engagement de caution sont considérés comme des frais inhérents à leur fonction et justifiés par la préservation de leurs revenus. Et cette déductibilité est admise même si le dirigeant est associé ou actionnaire majoritaire de la société.
En revanche, la jurisprudence considère que les versements réalisés par le conjoint du dirigeant qui s'est porté seul caution pour la société ne sont pas déductibles s'il n'est pas salarié de cette société.
De même, les sommes versées par les administrateurs, associés ou actionnaires non dirigeants d'une société en exécution d'un engagement de caution, sont analysées comme des pertes en capital non déductibles. Ces contribuables sont en effet considérés dans ce cas comme agis-sant pour la préservation de leur patrimoine privé et non dans leur intérêt professionnel.
L'engagement de caution du dirigeant doit toujours avoir été pris en vue de servir les intérêts de la société. Il doit en effet avoir été souscrit dans le cadre d'une gestion normale de l'entreprise, c'est-à-dire dans l'intérêt de l'exploitation, soit pour la maintenir, soit pour la développer.
En pratique
il peut ainsi s'agir d'engagement de caution souscrit par le dirigeant, pour faciliter l'obtention d'avances de trésorerie ou de prêts nécessaires à la poursuite de son exploitation.
Par ailleurs, le versement de sommes en exécution d'un engagement de caution consenti au profit de tiers (client, société du groupe, sous-traitant) peut éventuellement être déductible, si le dirigeant est également capable de justifier :
- des circonstances qui l'ont amené à supporter personnellement la charge de la caution en lieu et place de sa société (difficulté financière passagère de cette dernière par exemple) ;
- de la nécessité de son engagement pour le maintien de l'activité de sa société (la défaillance éventuelle de la société bénéficiaire du cautionnement est de nature à mettre en péril la société du dirigeant).
Pour admettre la déductibilité des sommes versées par un dirigeant en exécution d'un engagement de caution, il faut encore que ce dernier ne soit pas hors de proportion avec la rémunération qui est allouée au contribuable par la société. Les sommes versées ne sont déductibles que dans la mesure où cet engagement n'excède pas une limite qui a été fixée par la jurisprudence, et reprise par l'administration fiscale, au triple de la rémunération annuelle du diri-geant. Si l'engagement est supérieur au plafond fixé, l'excédent des sommes versées n'est pas déductible. À noter la rémunération à prendre en compte est celle que le dirigeant pouvait raisonnablement escompter au moment où il a souscrit l'engagement. En effet, les juges ne s'en tiennent pas à la rémunération effective du dirigeant, mais prennent également en considération la rémunération que le dirigeant avait la perspective de percevoir à court terme au moment de la souscription de l'engagement. En présence de versements effectués en exécution d'engagements multiples souscrits successivement, le caractère déductible des sommes payées doit être apprécié par référence au montant total de ces engagements. C'est donc le montant cumulé de ces cautions qui ne doit pas être hors de proportion avec la rémunération du dirigeant. Important le caractère illimité ou indéfini de la caution ne fait pas obstacle à la déductibilité des sommes versées dès lors que le dirigeant peut prendre la mesure de son engagement. Mais ce type de cautionnement a pour conséquence d'interdire toute déduction à raison de nouveaux engagements de caution souscrits au cours des années postérieures, puisqu'il n'est pas possible de déterminer la portée réelle de l'engagement illimité.
Lorsque ces conditions sont réunies, le dirigeant peut déduire les sommes versées au titre de ce cautionnement de ses revenus imposables l'année de leur versement et, le cas échéant, constater un déficit reportable sur le revenu global des années suivantes.
Publié le jeudi 10 juillet 2008 - © Copyright SID Presse - 2008