Il est parfois difficile pour le dirigeant d’une société d’assumer seul toute l’étendue des pouvoirs que la loi lui attribue. Aussi recourt-il fréquemment à la délégation de pouvoirs, ce qui lui permet de transférer à une autre personne (le délégataire ou « fondé de pouvoirs ») une partie de ses pouvoirs, mais aussi et surtout une partie de ses responsabilités. Ainsi, si elle est consentie à un salarié de la société, une délégation de pouvoirs peut permettre au dirigeant d’être exonéré de sa responsabilité pénale au cas où une infraction serait commise dans le cadre des pouvoirs qui ont été délégués. Seul le délégataire étant alors exposé aux poursuites pénales.
À noter : le délégataire doit pleinement disposer de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires pour accomplir la mission qui lui est confiée.
Mais pour qu’une délégation de pouvoirs soit valable et efficace, elle doit être certaine et dépourvue d’ambiguïté. Le dirigeant doit ainsi prendre soin de définir avec précision et de manière exhaustive le domaine de la délégation et l’étendue des pouvoirs transférés à l’intéressé.
Illustration : les juges ont ainsi récemment estimé que le gérant d’une société de BTP était pénalement responsable des chefs de blessures involontaires et d’infractions avec la réglementation sur la sécurité des travailleurs suite à l’accident dont un salarié de la société avait été victime, et ce malgré la délégation de pouvoirs qui avait été consentie à un autre salarié. En effet, celle-ci couvrait « la capacité de conclure des contrats ou d’effectuer des opérations engageant la société […], la signalisation des chantiers et [la] déclaration d’intention de commencement des travaux […], le recrutement du personnel ouvrier et la détermination des conditions de travail du personnel embauché, sous réserve du respect des instructions de la direction ». À ce titre, la délégation précisait que le délégataire devait « s’assurer du respect de la réglementation concernant la durée du travail et toute question afférente ». Procédant à une interprétation stricte de ces termes, les juges ont estimé qu’aucune délégation de pouvoirs n’avait été attribuée en matière d’hygiène et de sécurité. Les dispositions de la délégation relatives à la signalisation des chantiers ne concernant pas, contrairement à ce que prétendait le dirigeant, le domaine de la sécurité. Celui-ci a donc été condamné à deux ans d’emprisonnement dont un an avec sursis et 30 000 euros d’amende.
Publié le mercredi 25 novembre 2015 - © Copyright Les Echos Publishing - 2015